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espérances qu’il inspire. Les actions provisoires de ce chemin se sont élevées jusqu’à 135 francs de prime, et tout fait penser qu’elles augmenteront encore. Elles ont eu ce qui a manqué au chemin du Nord, un début modeste, qui offre aux spéculateurs les chances d’une hausse probable, et aux capitalistes, au public prudent, un placement garanti contre les chutes qu’amènent des cours exagérés.



LEÇONS SUR L’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE,


PAR M. VICTOR COUSIN.

Nous avons sous les yeux une publication d’une haute importance : M. Cousin est à la veille de donner aux amis de la philosophie la première partie de ce grand ensemble de leçons qui composent sa carrière de professeur tout entière. L’enseignement de M. Cousin a eu deux époques, celle qui s’étend de 1815 à 1820, et où la jeune école philosophique se forme et se constitue ; puis, après un silence de huit années, la brillante époque de 1828 à 1830, où l’éclectisme se produit dans le monde avec le cortège de ses applications les plus élevées et les plus hardies.

Cette seconde période des leçons de M. Cousin est parfaitement connue du public ; la première l’est à peine, et cependant c’est peut-être la plus curieuse et la plus féconde. Comme le dit l’illustre écrivain lui-même : « Ce sont là les commencemens, c’est le berceau de la philosophie nouvelle. Le temps lui apportera des forces. Peu à peu elle agrandira son horizon et ses vues. De la philosophie moderne elle s’étendra dans la philosophie ancienne ; elle joindra Platon à Descartes, Aristote à Locke, Proclus à Malebranche, elle s’enfoncera même dans les ténèbres de la scolastique ; elle embrassera tous les âges de la pensée humaine ; elle rappellera tous les systèmes à un petit nombre de principes élémentaires, harmonieux et opposés, toujours en guerre et inséparables. Ici elle est encore bien loin de ses derniers développemens ; elle est renfermée dans l’enceinte de la philosophie moderne, et elle commence à peine à entrevoir l’antiquité ; mais elle est déjà en possession de toutes les idées essentielles et d’une doctrine bornée, mais solide. Elle est assise sur le sens commun ; elle a l’enthousiasme du beau et du bien, elle aime la liberté et la vertu ; elle est toute pénétrée de la pensée de Dieu ; elle ne s’élève pas encore bien haut, mais on sent qu’elle a des ailes. »

Dès l’année 1811, M. Royer-Collard avait engagé le combat avec vigueur contre la philosophie de la sensation ; mais à l’exemple de Reid, qu’il avait pris pour maître, il ne s’était guère avancé au-delà de l’horizon de la psychologie. Il restait à poursuivre le condillacisme sur le terrain de la métaphysique, de l’esthétique, de la morale. Cela même était peu encore, si l’on n’opposait pas à l’analyse artificielle de l’école sensualiste une observation