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On voit donc que les enfans trouvés glissent dans la population un élément très sérieux et très considérable de débilité. Ce danger est grave. Quand les races dégénèrent, les nations déclinent ; or, une race, si forte qu’elle soit, ne résiste pas long-temps à l’intrusion annuelle d’un pareil nombre de nouveau-nés malades ou chétifs. Les anciens avaient prévu ce danger, et ils lui avaient cherché un remède dans la mort des enfans trouvés : aujourd’hui le problème est à résoudre dans un sens plus humain ; mais, de quelque côté qu’on se tourne, il ne faut point perdre de vue l’amélioration de l’espèce, sans laquelle tous les autres progrès avortent.

Outre les enfans trouvés proprement dits, la Maternité reçoit encore des enfans en dépôt, des enfans abandonnés et des orphelins. On nomme enfant en dépôt celui dont la mère est malade dans un des hôpitaux de la ville, et qui se trouve ainsi privé, durant quelque temps, des secours nécessaires à sa conservation. L’admission de ces enfans étant considérée comme provisoire, on les confie à une nourrice sédentaire, quand il y en a ; sinon, ils subissent le système d’alimentation artificielle avec tous les inconvéniens qui en résultent. Il arrive trop souvent que la mère disparaisse dans l’intervalle, et que le dépôt de l’enfant devienne, au bout de quelques mois, un abandon définitif. Dans le langage économique et administratif, on distingue entre l’enfant trouvé et l’enfant abandonné : ce dernier est né de parens connus ; il a d’abord été élevé par eux ou du moins à leur charge ; il est ensuite délaissé à un certain âge, sans qu’on sache ce que son père ni sa mère sont devenus. Il ne se passe guère de jour que la police ne rencontre, dans les rues de Paris, de ces garçons ou de ces petites filles perdues, dont les parens ont pris la fuite sans qu’il soit possible de retrouver leurs traces. Conduits à la Maternité, ces enfans abandonnés sont fondus, par l’administration de l’hospice, dans la masse des enfans trouvés, dont néanmoins ils se distinguent en général par leur mauvais naturel. Plusieurs d’entre eux, placés en pension dans une famille agricole, à une grande distance de Paris, se sont sauvés secrètement de la maison adoptive, pour revenir à pied dans la ville. Élevés par des parens dissolus, habitués presque depuis leur naissance à battre le pavé fangeux des quartiers les plus suspects, ces petits bohémiens ont du sang vicieux et vagabond dans les veines. Le mauvais caractère de ces enfans, qui est l’effet de la négligence, devient quelquefois une cause qui décide leur abandon. Des familles, ne sachant plus comment vaincre les inclinations vicieuses de leur rejeton opiniâtre et récalcitrant, se déterminent à s’en défaire. Quand,