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Les débats de la chambre sur la question universitaire ont été remarquables par leur élévation, par leur éclat. Ils ont aussi le mérite d’avoir porté la lumière dans toutes les pensées, dans toutes les situations. Que M. le ministre de l’instruction publique ait été inspiré, en accomplissant la réforme du conseil royal, par les intentions les plus droites, par le plus vif désir d’accroître l’autorité morale de l’université, pour notre part, nous n’en avons jamais douté, et notre conviction avait devancé, sur ce point, les explications données à la chambre par M. de Salvandy. Ce point établi, il faudra convenir, d’un autre côté, que, lorsque l’opposition, par l’organe de M. Thiers, attaque les ordonnances du 7 décembre, c’est elle qui, dans cette circonstance, professe les opinions et les doctrines conservatrices. Ici les rôles sont intervertis, et ce changement ne se peut nier. Quand on a entendu M. Thiers regretter éloquemment une institution née de la force des choses, affermie par l’expérience, consacrée par trente années de pratique et de services rendus au pays, on ne peut avoir de doute sur l’esprit conservateur qui lui a si heureusement dicté un de ses plus éclatans discours. M. Saint-Marc Girardin se trouve faire au cabinet une opposition aussi spirituelle que modérée en défendant ce que le gouvernement ébranle.

Quels sont donc les graves motifs qui ont déterminé le pouvoir à prendre ainsi l’initiative d’un aussi grand changement dans l’organisation de l’université ? Des esprits soupçonneux avaient été chercher ces motifs dans une autre région que la sphère universitaire. On avait conjecturé que le cabinet n’avait pas sans quelque satisfaction adhéré à une réforme qu’il imaginait devoir être agréable à l’église, à la cour de Rome. C’est ce qu’avait indiqué à la fin de son discours M. Thiers avec précision et finesse. Toutefois l’honorable chef du centre gauche, en indiquant de cette manière quel procès de tendance on pouvait, pour ainsi dire, faire au cabinet, avait surtout insisté sur la question du fond, sur l’organisation même du corps universitaire. M. Guizot, au contraire, a surtout parlé des circonstances et des faits politiques au milieu desquels s’est accomplie la révolution qui a frappé le conseil royal.

Les insinuations sont désormais inutiles : la pensée du gouvernement a été avouée avec une hardiesse qu’on croit opportune. La réforme du conseil royal de l’instruction publique n’est plus une conception universitaire, c’est une combinaison politique. Au milieu des difficultés que présentait la rédaction de la loi sur l’instruction secondaire, dans le conflit des passions et des théories qui luttaient les unes contre les autres, le cabinet a imaginé qu’en portant la main sur le conseil royal, il arriverait à un grand résultat, qu’il parviendrait à pacifier les esprits. Il a fallu que sur ce point la conviction du ministère fût bien forte, car rien, on en tombe d’accord, n’appelait les coups de l’autorité sur le conseil : il était resté irréprochable. « Je n’ai eu, a dit M. Guizot, qu’à me féliciter du concours du conseil royal, quand j’ai eu l’honneur de le présider, et j’ai la ferme conviction que depuis cette époque, et à toutes les époques, et il y a trois mois encore, le conseil royal n’a jamais gouverné irréligieuse-