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existe d’abord d’une manière simple et immédiate, puis elle se divise et s’oppose à elle-même ; enfin elle ramène ses deux membres à l’unité. Le moment de l’unité est celui de la vie, de la réalité concrète et individuelle. Celui qui ne considère l’idée que dans les momens antérieurs ne connaît que des abstractions. C’est la commune infirmité du vulgaire et de ces philosophes qui suivent la logique de l’école. Le vulgaire, l’homme dans la vie animale, s’en tient à cette première vue des choses qui nous les fait connaître dans un état de mélange et de confusion. C’est la perception des sens. L’entendement s’applique à cette matière grossière, la divise, la décompose. Ici éclatent les oppositions ; toutes choses paraissent contraires, la vie et la mort, le mouvement et le repos, l’ame et le corps, le fait et le droit, la société et la nature, la philosophie et la religion. Les esprits qui s’attachent à ces oppositions ne peuvent manquer de tomber dans le scepticisme, absurde extrémité aussi éloignée du sens commun que de la vraie philosophie ; mais s’arrêter au scepticisme, c’est bien mal connaître la nature des choses et la puissance de la pensée ; l’entendement est au-dessus des sens, mais la raison est au-dessus de l’entendement. Ce que l’entendement sépare, la raison l’unit ; les choses qui semblaient incompatibles apparaissent comme inséparables ; à la confusion succède l’ordre, à la guerre la paix, au doute la foi, aux angoisses de l’ame, aux hésitations du raisonnement, la sérénité d’une affirmation sûre d’elle-même, la plénitude d’une compréhension parfaite. La vie et la mort ne sont que les deux momens de l’existence, le fait et le droit les deux aspects d’une même nécessité, la société un perfectionnement de la nature, la philosophie un perfectionnement de la religion.

On s’explique maintenant comment Hegel a pu être conduit au principe de sa logique et de toute sa philosophie, l’identité des contradictoires. Trouver dans chaque idée une idée contraire, et les unir dans une troisième idée : opposer à la thèse l’antithèse, et les réunir dans la synthèse ; considérer successivement l’idée en soi, hors de soi, et pour soi, telle est sa méthode constante. L’idée à laquelle Hegel aboutit au terme de chaque opposition n’est pas autre chose que l’idée première, mais vivifiée par cette opposition elle-même, d’abstraite devenue concrète, de morte vivante. Cette même idée, ainsi transformée, traverse une nouvelle opposition, une nouvelle contradiction, pour en sortir victorieuse, et ainsi de suite à l’infini, depuis l’idée la plus simple, qui contient le germe de toutes les autres, jusqu’à la plus composée, qui en exprime le plus complet développement. La chaîne de ces oppositions, c’est la science. Elle consiste à faire voir l’universelle identité :