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partie d’une idée primitive au plus bas degré de la pensée, elle la retrouve au faîte, et toutes les idées intermédiaires ne sont toujours que la même idée qui se déploie à l’infini.


Il est possible de s’orienter maintenant au sein de ce vaste édifice d’abstractions accumulées où se joue avec une fécondité et une subtilité inouies la pensée de Hegel. Rien ne reste en dehors de ce système, et il y a là, on ne saurait en disconvenir, un effort immense pour tout embrasser et tout expliquer. Indiquons au moins les grandes lignes du monument. L’œuvre de Hegel comprend trois parties : la logique proprement dite, la philosophie de la nature, et la philosophie de l’esprit. Le principe premier et dernier des choses, ce que Hegel appelle l’idée, doit d’abord être envisagé en lui-même, dans les profondeurs de son essence non encore manifestée, dans ces lois nécessaires et primitives qui la constituent, et se réfléchissent plus tard en toutes ses œuvres. La science de l’idée en soi, c’est la logique pure, lumière, fondement, clé de voûte de tout le système. L’idée, par une suite nécessaire de sa nature, telle que la logique l’a décrite et expliquée, l’idée se développe, ou, pour mieux dire, se brise et met à nu l’élément de la contradiction qui était renfermé en son sein. Elle était Dieu en soi, elle devient nature ; éternelle, elle tombe dans le temps ; immuable, dans le changement. La philosophie de la nature nous développe la série des mouvemens nécessaires qui emportent l’idée à travers tous les degrés de l’échelle des êtres sensibles, et où elle épuise sa faculté de se contredire elle-même. Les lois de la mécanique, de la chimie, de la physiologie, se résolvent dans une série d’oppositions ; mais le principe suprême qui préside à ce développement veut que la contradiction nécessairement créée soit nécessairement détruite. L’idée, qui s’ignorait et se niait dans la nature, retourne à soi pour devenir esprit. La science du retour de l’idée à elle-même est la philosophie de l’esprit. Les religions, les arts, les systèmes, les institutions sociales, ne sont que les phases diverses de cette évolution que règle une éternelle et inflexible géométrie. L’histoire de l’humanité réfléchit celle de Dieu ; c’est une logique vivante, c’est Dieu qui se réalise, qui, parti de soi, revient à soi, refermant ainsi le cercle infini et éternel.

Reprenons ces grandes divisions. La logique, dans le système de Hegel, tient la place qu’occupe la théodicée dans les systèmes ordinaires ; elle est la science de Dieu considéré en soi, avant la création, si les mots Dieu et création ont ici un sens. Étrange théodicée, en effet, où, à la place de ces attributs sublimes de la justice éternelle, de la