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élevées, les réchauffent, et la vapeur, paraissant ou disparaissant tour à tour au gré de ces influences diverses, présente ces mouvemens ces transformations irrégulières qui traduisent fidèlement aux regards la lutte du froid et du chaud.

Nous entrâmes dans le petit havre de Castellammare vers trois heures de l’après-midi. Fidèles aux habitudes siciliennes, les chefs de la douane et de la santé étaient couchés, et leurs employés, se conformant à la consigne, firent d’abord mine de s’opposer à notre débarquement mais là où il règne, le despotisme est chose fort commode pour ceux qui l’ont de leur côté, et, dans un pays où les chefs sont la loi vivante, nos lettres de recommandation nous mettaient au-dessus des règles ordinaires. Nous sautâmes à terre en prononçant les mots magiques de Serra di Falco et de Cacamo, et, quelques instans après, nous vîmes arriver doganelli et sanitarii, qui venaient supplier nos excellences de vouloir bien les excuser de ne pas s’être trouvés prêts à les recevoir. Nous agîmes en bons princes, et pardonnâmes généreusement. Bientôt cependant se présenta une difficulté plus séreuse. Il s’agissait de trouver un logement quelconque. Or, Castellammare, malgré son port de commerce assez fréquenté et ses dix à douze mille habitans, ne possède pas la moindre auberge, le moindre cabaret où le voyageur puisse, pour son argent, passer une nuit. Heureusement Artese, en sa qualité de matelot caboteur, avait partout quelque ami prêt à rendre service per l’onore et aussi un peu pour le compliment ou étrenne que notre cuisinier ne manquait pas de promettre en notre nom. Après quelques pourparlers, nous fûmes installés dans une espèce de chambre basse, qu’on débarrassa tout exprès d’un monceau d’ognons à demi pourris, et dont l’atmosphère âcre et nauséabonde nous fit presque regretter le triste parfum de nos blattes. Il va sans dire, d’ailleurs, que l’ameublement resta tout entier à notre charge. Comme à la halte précédente, on nous fournit des planches et des chevalets ; mais, pour compléter la literie, il fallut transporter de la barque au logis nos couchettes et nos cabans.

Dans toute l’étendue du golfe qui porte son nom, Castellammare est le seul point où les navires puissent trouver un abri sûr contre la tempête. On comprend dès-lors toute l’importance de ce petit port. Aussi n’avait-on rien négligé dans les siècles passés pour en assurer la défense. La vieille ville était bâtie sur une langue de rocher calcaire qui se détache du rivage et s’avance dans la mer. Une tranchée large et profonde la séparait de la terre ferme, et de hautes murailles en partie taillés dans le roc l’environnaient de toutes parts, tandis qu’à