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son extrémité un donjon formidable enfonçait jusque sous les vagues les fondemens, de ses tours. Une chapelle basse et voûtée, que décore la croix des templiers, peut faire supposer que des moines guerriers présidèrent à l’établissement de ces fortifications, jadis imprenables peut-être, mais qui, faciles à dominer, ont perdu toute leur valeur depuis la découverte de l’artillerie. Aussi sont-elles aujourd’hui entièrement abandonnées. Le château tombe en ruines, et ses débris sont livrés à une population de mendians que nous avons vus étaler leurs guenilles sur des portes ornées encore de fières armoiries. Un pont de pierre à deux arches élevées a remplacé le pont-levis, et la ville, sortant de son enceinte crénelée, s’est répandue tout autour du port, a gravi les premières pentes de la montagne, et étend chaque année plus avant dans les champs ses rues droites et larges, bordées de maisons à deux étages.

Nous avions cru trouver à Castellammare d’amples sujets de recherches et de travaux ; dès le jour même de notre arrivée, nous reconnûmes que c’était là un faux espoir. D’un côté s’étendait un rivage où dominaient le sable et les galets, de l’autre des roches acores s’enfonçaient brusquement dans la mer, et ne portaient que quelques touffes rares de fucus ou quelques rameaux de gorgones et de caryophyllies. A peine installés, il fallait donc songer à repartir ; mais auparavant nous résolûmes de visiter le temple de Ségeste, qui s’élève à deux lieues environ de Castellammare, dans une contrée déserte, désignée aujourd’hui sous le nom de Barbara.

Le lendemain, accompagnés de Carmel, et guidés par le deputato sanitario lui-même, qui s’offrit pour nous servir de cicerone, nous sortîmes de Castellammare, et suivîmes pendant quelque temps une route où se montraient encore çà et là quelques traces du travail de l’homme ; puis, quittant ce chemin jadis frayé, nous entrâmes dans un véritable sentier sicilien. Ici nous eûmes grand besoin, pour ne pas renoncer à nos mulets, de compter sur la fermeté de leurs jambes ; mais, rassurés bientôt par la sûreté de leur allure et par l’instinct admirable avec lequel ils se dirigeaient au milieu des pierres roulantes, des trous et des rochers, nous reportâmes toute notre attention sur le paysage environnant. Le sentier s’élevait peu à peu en contournant la montagne qui domine Castellammare, et, à mesure que nous avancions, la contrée, d’abord couverte de riches vignobles, de fermes et de bosquets d’oliviers, d’orangers, de citronniers, devenait de plus en plus pittoresque et sauvage. A mi-chemin, toute trace de culture avait disparu, et nos regards ne rencontraient plus que de