Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/707

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les profondeurs de la mer, échappaient à tous nos moyens de chasse. Souvent nous revînmes à vide de nos excursions. M. Blanchard trouva cependant plus d’une curieuse observation à faire. Les rochers étaient couverts de vermets qui, retirés dans leurs enveloppes solides et entrelacées, bravaient impunément les chocs de la tempête, et notre compagnon pouvait s’en procurer à loisir ; les grands tritons lui arrivaient en abondance, et son travail sur les nerfs de ces animaux commençait à présenter un véritable intérêt. Sur terre, il recueillait plusieurs belles espèces d’insectes appartenant à la famille des mélasomes, hôtes habituels des sables du rivage. Il reconnaissait que les zoologistes, trompés par de petites différences extérieures, avaient multiplié outre mesure les espèces en distinguant comme telles de simples variétés ; il rectifiait aussi une erreur plus grave en s’assurant que les différences sexuelles avaient conduit au même résultat, et que, dans les genres Erodias, Tentyrie, et plusieurs autres, on avait souvent séparé, comme étant spécifiquement différens, le mâle et la femelle d’une même espèce.

Parmi les insectes qui attirèrent l’attention de notre compagnon de voyage, nous devons une mention spéciale aux fourmis, dont un grand nombre d’espèces propres aux pays chauds habitent les côtes de Sicile. Mêlée aux riantes fictions de la mythologie, l’histoire des abeilles est devenue populaire ; mais, pour n’avoir pas été racontée par les poètes, celle des fourmis n’est pas moins merveilleuse. Chez elles, plus encore que chez leurs sœurs, l’observateur peut admirer un étrange mélange d’instinct et de raisonnement se manifestant dans des actes d’une complication extrême. Leurs familles diverses, toutes soumises à un gouvernement franchement républicain, présentent d’ailleurs dans leurs habitudes des différences complètes. A côté d’espèces dont les colonies habitent constamment les arbres, où elles trouvent et la nourriture et l’abri, il en est d’autres dont la vie s’écoule dans de profonds et obscurs souterrains où ne pénétra jamais la lumière du jour. Il en est qui, méritant en partie la réputation que leur ont faite les fabulistes, recueillent péniblement et la nourriture du jour et celle du lendemain. Il en est d’autres qui savent se procurer le nécessaire, peut-être le superflu, sans se donner tant de peine, et qui, semblables aux peuples pasteurs, élèvent de véritables troupeaux de pucerons, les soignent dès leur enfance, leur construisent des abris ou les parquent dans l’intérieur même de leur fourmilière, et, pour récompense de ces soins, trouvent une nourriture abondante dans la liqueur sucrée que sécrètent ces petits animaux.