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Il en est, enfin, qui dédaignent tous les soins domestiques, mènent la vie fière et oisive des anciens peuples guerriers, et comme eux savent se faire servir par des esclaves. Une des espèces que nous trouvions au cap de Santo-Vito devait appartenir à ces tribus d’amazones, et, si le hasard nous eût favorisés, nous aurions sans doute été témoins de quelqu’une de ces razzias que Hubert a comparées à la traite des nègres ; nous aurions vu, comme ce naturaliste, les fourmis guerrières marcher en colonnes serrées sur quelque peuplade voisine, faire le siège de la fourmilière, l’emporter d’assaut après une résistance désespérée, et revenir triomphantes, chargées d’œufs ou de jeunes larves qui, se développant sous leurs yeux et acceptant cet esclavage, leur rendront par la suite tous les services que les Lacédémoniens exigeaient des Ilotes. Si, faute de temps et d’occasions, nous ne pûmes assister à quelqu’une des scènes curieuses que les fourmis présentent aux yeux des observateurs, nous voulûmes du moins emporter un témoignage de leur industrie. Une de leurs cités souterraines fut enlevée avec soin par M. Blanchard et destinée à venir prendre place dans les collections du Muséum.

De son côté, M. Edwards, servi par un hasard heureux, put terminer à Santo-Vito deux beaux travaux relatifs à l’organisation des béroés et des stéphanomies, dont l’étude l’avait surtout préoccupé pendant notre séjour à la Torre dell’ Isola. Il put en outre vérifier et étendre à de nouvelles espèces ses observations précédentes sur la distinction des sexes dans les méduses, sur l’organisation des équorides, et cet ensemble de recherches, dont les résultats n’ont pas encore été publiés, jettera, nous en sommes certain, un jour tout nouveau sur un des groupes les plus curieux de l’embranchement des rayonnés, la classe des acalèphes.

Les naturalistes ont donné le nom de méduses à des animaux exclusivement marins dont le corps ressemble à une cloche renversée, ou mieux peut-être à un champignon dont le pied serait remplacé d’ordinaire par des appendices plus ou moins multipliés. Tantôt ce corps singulier est incolore et d’une transparence égale à celle du cristal tantôt, décoré des plus vives couleurs et présentant un aspect opalin, il semble emprunter sa brillante parure à de riches émaux. Long-temps ces êtres bizarres furent dédaignés par les naturalistes, qui ne voyaient en eux, comme l’avait fait Réaumur, qu’une espèce de gelée vivante ; mais la science moderne, de plus en plus exigeante, a su pénétrer les mystères de ces organismes. M. Duméril un des premiers, injectant leurs cavités internes avec du lait, vit ce liquide se distribuer dans des