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L’issue est glorieuse, et certes vaut son prix :
Satisfaire à la fois chaque dilettantisme !
Recueillir les bravos des différens partis,
Prêcher pour tous les saints ! eh ! mais, à mon avis,
C’est le comble de l’art et du charlatanisme :
Vous appelez cela, j’imagine, éclectisme ?

— En effet, c’est le mot, l’éclectisme est partout,
Dans la philosophie et dans la politique ;
Pourquoi donc, s’il vous plaît, à son tour la musique
N’en aurait-elle pas senti le contre-coup ?
Un dogme, quel qu’il soit, répugne à notre goût ;
Quand le diable fut vieux, il devint éclectique.

Je connais à Florence un maître sans pareil,
Dont, si vous permettez, je vous dirai l’histoire ;
L’univers, avant peu, parlera de sa gloire,
Car de l’esprit du siècle il sait prendre conseil ;
Tous les styles vivans sont dans son écritoire :
Il mettrait en duo la lune et le soleil !

Tantôt c’est Beethoven et tantôt Cimarose,
Et, si la cavatine un instant se repose,
L’orchestre en mal d’enfant travaille un contre-point.
D’imagination, on dit qu’il n’en a point,
Mais c’est prodigieux comme en lui toute chose
S’adapte, s’enchevêtre, et se lie et se joint.

J’assistai l’an dernier à la plus belle fête
Qu’on eût jamais encor vue à la Pergola ;
Pour la première fois on donnait ce soir-là
Une partition de l’illustre poète
(Ses amis le nommaient ainsi dans leur gazette) ;
Florence et son grand-duc étaient à l’opéra.

Le sujet, emprunté de l’histoire biblique
( La reine de Saba chez le roi Salomon),
Avait du grandiose et l’ampleur magnifique
Qu’on est en droit d’attendre avec un pareil nom ;
Tous vantaient les décors, et, quant à la musique,
Le maestro s’était surpassé, disait-on.