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aux chambres un plan nouveau d’organisation pour notre établissement maritime. Le moment, la situation des esprits, la marche des évènemens, tout est favorable à ce travail, et fait bien préjuger de l’accueil qui l’attend devant les chambres. Ajoutons que c’était une œuvre fort délicate en présence des transformations qui s’opèrent dans la science navale, et de celles qu’un avenir prochain tient en réserve. Il fallait se défendre d’un double écueil, de trop accorder à l’innovation ou d’incliner trop vers la routine. Pour les esprits doués de quelque prévoyance, le rôle de la vapeur est désormais tracé ; elle devient l’arme de l’avenir, l’arme essentielle. L’administration ne pouvait pas se placer à ce point de vue ; elle avait à ménager les intérêts existans, les traditions, les préjugés même ; elle devait garder une sorte de neutralité entre ceux qui s’appuient sur le matériel d’autrefois et ceux qui posent avec hardiesse le problème du renouvellement.

Avant d’exposer son plan, le ministre a voulu faire nettement apprécier la situation actuelle. Dans cette pensée, il examine successivement où en sont aujourd’hui, 1° l’inscription maritime et les équipages de ligne, 2° les bâtimens et les constructions, 3° les approvisionnemens et les arsenaux. Il n’est pas sans intérêt de poursuivre avec lui cet examen, et de vérifier l’état de nos ressources.

Dans l’inscription maritime, le Compte au roi signale un mouvement continu d’ascension depuis 1820. Le nombre des hommes inscrits est, en 1836, de 101,941, en 1840, de 110,458, en 1845, de 125,272. Ainsi, il faudrait constater, si ces chiffres ne reposent pas sur une illusion, une augmentation de 24,000 marins inscrits dans l’espace de dix années, et, dans la seule période des cinq années écoulées depuis 1840, une augmentation de 15,000 marins inscrits.

Je m’arrête sur ce détail pour exprimer un doute et le motiver. Il existe, il doit exister du moins, entre le mouvement de l’inscription maritime et le mouvement de la navigation marchande, une relation, une correspondance nécessaire. L’inscription précise le nombre de nos marins du commerce, la navigation constate leur emploi. Or, si, l’une s’accroît, l’autre doit nécessairement s’accroître. Il est impossible d’admettre qu’il se soit créé plus de marins, et qu’en même temps il y ait en moins de marins employés. Si, pendant que le ministre se félicite de voir 24,000 hommes de plus enrichir, dans une période de dix années, les registres de l’inscription, il était prouvé que l’activité de la navigation du commerce, loin de prendre le même essor, n’a offert que des chiffres stationnaires et souvent rétrogrades, on serait