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— « Le clairon des remparts frappe l’écho sonore,
« Les coursiers du désert commencent à hennir ;
« En vain, ô majesté, je veux rester encore,
« Nul pouvoir plus long-temps ne doit me retenir.
« Et je m’éloigne ; adieu, toi dont le souvenir
« Immortel va me suivre au pays de l’aurore ! »

— « Fantôme éblouissant, pourquoi m’être apparu
« Si tu devais t’enfuir dès le matin venu ?
« Pourquoi t’être levée, étoile de lumière,
« Si tu devais ainsi, dans ma nuit solitaire,
« Après tant de bonheur et d’espoir entrevu,
« Me laisser morne et triste à ma douleur première ?

« De grace, un jour encor. — Les destins ont parlé,
« Et nous, humbles mortels, nous devons nous soumettre ;
— « Loi terrible ! Adieu donc, ô ma reine.- Adieu, maître ! » -
Agitato brûlant, cinq bémols à la clé…
Puis, à peine le calme achevait de renaître,
Que les cuivres sonnaient l’appel du défilé.

Salomon, tout entier en proie à sa tristesse,
Et son front douloureux vers la terre penché,
Menait à ses coursiers l’adorable princesse
Dont l’œil noir rayonnait, sous ses voiles caché,
D’une larme limpide et plus enchanteresse
Que le diamant rare à son col attaché.

Elle fuit au désert, la pudique sultane,
Elle fuit, la prêtresse aux lèvres de corail ;
Autour du palanquin, où la tristesse plane,
L’esclave nubien agite l’éventail.
Passez et défilez, splendide caravane,
Dromadaires chargés des trésors du sérail !

Pour les dilettanti du style pittoresque
L’énumération, certes, aurait beau jeu,
Et j’entrevois d’ici l’incomparable fresque :
Peindre la caravane et le désert de feu,
Les housses, les caftans, tout ce rouge et ce bleu,
Qu’elle tentation ! J’y succomberais presque.