Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/1080

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beau génie qui languissait dans une position peu digne de son rare et précoce talent, resta sans réponse et sans résultat, malgré le nom et la célébrité des savans qui avaient écrit au roi Charles-Jean. Enfin ; il faut le dire, cet illustre géomètre, au sujet duquel on peut à juste titre répéter ce mot si connu de Newton : Si Cotes eût vécu, nous saurions quelque chose, a vu sa carrière abrégée par le chagrin et par le malheur. Cette fin si prompte et si triste impose à tous les amis des sciences le devoir de répéter souvent avec vénération et respect le nom d’un homme auquel on ne peut offrir qu’une gloire posthume.

Nous ne dirons qu’un mot, et à regret, d’une discussion fort animée qui a eu lieu à l’Académie des Sciences et dans les journaux à propos de l’éloge de Monge, lu récemment en séance publique par M. Arago. Comment se résoudre, en effet, après s’être arrêté quelque temps en compagnie d’Abel, de Gauss et de Jacobi, dans les plus hautes et les plus calmes régions de la science, à descendre sur le terrain des personnalités et des invectives, où le savant député de l’extrême gauche a tenté d’établir le débat ? Mais, jusqu’à ce que de par la charte la personne de M. Arago ait été déclarée inviolable et sacrée, jusqu’à ce que la liberté de la presse ait été suspendue en ce qui le concerne, il doit être permis de faire remarquer que, malgré les règlemens, ce savant secrétaire perpétuel ne fait plus les éloges des membres que perd l’Académie, et qu’il va chercher parmi les célébrités de la révolution des sujets surannés de biographies et des moyens politiques de succès.

Depuis quelque temps, on annonce des modifications considérables dans l’enseignement scientifique que donne l’université. Dans une prochaine occasion, nous traiterons cette question, qui touche aux bases mêmes de l’instruction universitaire et que M. le ministre de l’instruction publique paraît, à tort, vouloir résoudre sans le concours des chambres. Comme tous les chemins glissans, la voie des ordonnances est facile ; mais il est des terrains sur lesquels, après une course rapide, il est à peu près aussi malaisé de s’arrêter que de se tenir debout.




L’ÉGYPTE EN 1845, par M. Victor Schoelcher[1]. — Certes, nous ne prétendons pas nous faire les champions du pacha d’Égypte, les défenseurs de sa politique et de son administration, ce serait une tâche trop lourde. Avant que M. Victor Schoelcher vînt nous donner une nouvelle édition des plaintes si souvent formulées contre le despotisme et le tyrannique monopole de Méhémet-Ali, l’Europe savait à quoi s’en tenir sur cette machine gouvernementale improvisée avec une si étonnante promptitude et une adresse aussi consommée. Les récits pompeux de quelques hommes prévenus avaient pu faire croire un instant à la renaissance d’un empire arabe et à la régénération de l’Orient par l’islamisme ; mais la vérité n’a pas tardé à se faire jour. Ceux qui ont vu de près l’édifice, qui l’ont examiné d’un œil impartial, ont bientôt constaté le vice fondamental de sa construction. Il nous a été bientôt révélé par quelles exactions et quelles violences le gouvernement du vice-roi était parvenu à exécuter dans un si court

  1. Chez Pagnerre, rue de Seine.