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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/112

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On a pu voir récemment combien les fermens des opinions politiques avaient pénétré chez les populations badoises. La lutte énergique soutenue par la seconde chambre, en 1842, contre le ministère de M. de Blittersdorf, a produit une impression générale, et le juste triomphe du parti constitutionnel, en cette difficile occasion, demeure encore dans toutes les mémoires. C’est un souvenir dont l’Allemagne libérale envie à bon droit et l’honneur et l’orgueil ; jamais un cabinet, durant ces dernières années, n’avait rencontré d’adversaires si savans, si opiniâtres. On eut beau dissoudre la chambre, comme on vient de la dissoudre en des circonstances analogues ; on fut obligé de céder. M. de Blittersdorf avait été l’organe d’une faction monarchique qui prétendait réduire la charte à néant ; il fallait en rabattre : le duc Léopold usa là fort à propos de ces façons paternelles qui seraient peut-être assez compromettantes, si quelque casuiste malavisé s’alarmait un jour de voir la personne du prince trop familièrement découverte, pour parler le langage reçu chez nous, où la chose, comme on sait, n’arrive jamais. Son altesse s’interposa sans rien désavouer, et daigna prier elle-même la chambre de lui épargner tous ces ennuis, ne fût-ce que par esprit d’amour et de fidélité ; on annonçait en même temps que M. de Blittersdorf s’était volontairement retiré avec cette pieuse intention. Il n’y avait donc point dans cette retraite de signification politique ; restait seulement une marque de déférence donnée par le démissionnaire au chef de l’état. Voilà, certes, une solution commode à toutes les crises de cabinet ; ce ne sont plus ainsi que des querelles de ménage où personne n’a rien à voir, excepté le maître de la maison ; un prince gagne toujours à jouer au patriarche ; ce rôle-là, sans doute, ne déplairait nulle part ; on s’en arrange fort en Allemagne. Pour souverain constitutionnel, on veut bien l’être ; mais pour souverain de bon aloi, certes, on ne le serait plus si l’on allait laisser croire que les conseillers de la couronne peuvent sortir tout faits d’un scrutin parlementaire. M. de Blittersdorf n’en fut pas moins envoyé à Francfort comme ministre de Bade auprès de la confédération germanique : ce n’est pas lui qui contrariera les grandes puissances. L’opposition qui l’avait renversé, maîtresse au fond, ne chicana pas sur les formes. Entourée de la faveur nationale, elle y trouve encore aujourd’hui le plus solide appui qui la soutienne contre la réaction qui recommence : elle combat à l’avant-garde de l’Allemagne, parce qu’elle a su créer une tribune retentissante, et les discussions des chambres excitent en Bade même un intérêt d’autant plus vif que l’écho s’en reproduit jusqu’à Berlin. Le pays est fier de ses députés, et l’on n’entre pas dans une pauvre maison qu’on n’y aperçoive aussitôt, à la place d’honneur, les portraits de Basserman, de Welker, d’Itzstein, de Hecker, comme on rencontrait chez nous sous la restauration ceux de Manuel et du général Foy. C’est