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la lumière des documens ignorés et précieux. C’est un mouvement analogue à celui que provoquèrent en France les premiers travaux historiques de MM. Guizot et Augustin Thierry. Chaque ville a ses érudits attentifs à recueillir, dans les archives locales, les matériaux du grand édifice de l’histoire nationale, qui attend encore son architecte. Parmi ces documens qu’on exhume avec tant d’ardeur, il en est qui méritent d’appeler l’attention de la France. Nous n’en voudrions pour preuve qu’une publication très intéressante où M. le duc de Dino, s’appuyant sur des recherches récemment faites au-delà des monts, nous rend, à l’aide de traductions richement annotées et complétées par une savante introduction, quelques-unes des pages les plus brillantes de l’histoire de Sienne[1]. La puissance de Pise, la gloire de Florence, ont fait un peu oublier Sienne, à laquelle il n’a manqué peut-être qu’un heureux hasard pour jouer le premier rôle parmi les républiques de la Toscane. La bataille de Monte Aperto lui valut même un instant la prépondérance ; ce triomphe, malheureusement pour Sienne, fut bientôt suivi d’affreux désastres et de troubles intérieurs qui tournèrent à l’avantage de Florence. L’histoire de Sienne, du XVe au XVIIe siècle, n’offre guère qu’une longue série d’intrigues, de proscriptions et de massacres. Un seul fait se détache avec grandeur au milieu de ces tristes agitations : c’est le soulèvement de Sienne contre la domination espagnole, que Charles-Quint avait tenté d’y établir. Les récits traduits par M. le duc de Dino renferment de curieux détails sur la conjuration qui renversa les projets de Charles-Quint dans la Toscane, et sur les événemens qui suivirent ce glorieux épisode, événemens où la France joua un rôle considérable et trop peu connu. Il se trouve ainsi qu’une page tirée des chroniques d’une petite république italienne peut servir à combler une lacune de notre histoire. Par cet exemple, on voit combien il serait important pour la France d’étudier de plus près le mouvement historique en Italie. il est honorable pour M. le duc de Dino d’avoir ouvert une voie où les nombreux écrivains attirés par vocation ou par goût vers l’étude de nos annales trouveront après lui plus d’une recherche utile à faire, plus d’un curieux document à recueillir.


— La bibliothèque des hommes éminens dans les sciences et dans la littérature est volontiers l’image de leur esprit ; c’est l’atelier de ces travailleurs intellectuels. La bibliothèque de l’illustre M. de Sacy était égale à sa science, c’est-à-dire qu’elle embrassait toutes les branches de la littérature et de la connaissance humaine. Le catalogue de cette bibliothèque, rédigé par M. Merlin, est devenu un ouvrage curieux, et qui sera souvent consulté. Le second volume de ce catalogue, précédant de peu la vente qui va recommencer (6 avril), vient de paraître. Le principal intérêt du premier volume était dans la riche collection des manuscrits orientaux ; l’intérêt non moindre de cette seconde partie consiste dans la collection la plus complète des grammaires et vocabulaires en toutes langues, en idiomes de toutes les branches, de toutes les familles ; rien qu’à parcourir cette série d’indications bibliographiques, on prend l’idée du labeur infatigable de la science pour remettre de l’ordre et de l’entente dans cette immensité de la Babel humaine.

  1. Chroniques Siennoises, traduites de l’italien, précédées d’une introduction et accompagnées de notes, par M. le duc de Dino. Un beau volume grand in-4o, chez Curmer.