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et le perd dans les vaisseaux capillaires du reste du corps ; ainsi furent reconnues les voies par où le chyle parvient des intestins dans le courant circulatoire ; enfin, de nos jours même, ainsi fut constatée cette distinction capitale entre les nerfs, les unis consacrés au mouvement, les autres à la sensibilité. Malgré tous les services rendus par cette étude, malgré tous ceux qu’elle rendra encore, la physiologie serait restée incomplète et boiteuse, si une autre route ne lui avait été frayée. La recherche anatomique des fonctions laisse dans une ignorance absolue sur des questions fondamentales. Dès les premiers temps, les observateurs s’aperçurent que les plantes puisent leur aliment dans l’air et dans la terre, et que les animaux se nourrissent de substances végétales ; de la sorte, en définitive, c’est avec les élémens inorganiques que se composent les corps organisés. Quelles substances les végétaux prennent-ils dans le sol ? quel agent l’air atmosphérique fournit-il aux êtres vivans ? quelle combinaison les élémens subissent-ils en entrant dans les corps animés ? et, en ces corps même, quelles affinités s’exercent ? Comment la sève, donne-t-elle naissance aux gommes, aux sucres, aux jus de toute espèce, et le sang, à la bile, à la salive, aux larmes ? Toutes ces questions devaient rester sans réponse, car elles ressortissaient à une science dont la constitution définitive n’a pas encore un siècle. Ainsi, on le voit, les anciens avaient abordé la physiologie par le seul côté qui leur fût accessible, par l’anatomie ; et, quelque progrès qu’on pût faire, on ne devait jamais avoir qu’un fragment de science. Cependant, lorsque la chimie eut été créée, quand on eut reconnu dans les corps vivans l’oxygène, l’hydrogène, l’azote et le carbone, qui jouent un si grand rôle dans la nature inorganique, alors la physiologie fut pourvue de tous ses moyens et maîtresse de son domaine. À ce point de vue, elle est postérieure à la chimie, qui, elle-même, l’est à la physique, qui l’est à l’astronomie, qui l’est aux mathématiques. Ces sciences se sont succédé dans l’ordre de leur complication et de leur difficulté, d’autant plus tôt amenées à un haut point de culture qu’elles sont plus simples et par là d’un abord plus facile à l’esprit humain. Et ici on ne peut pas ne pas être frappé d’une réflexion, c’est qu’à vrai dire nous en sommes seulement ait vestibule des sciences. Laissant de côté les mathématiques et l’astronomie, qui, elles du moins, commencent à avoir quelque antiquité, voyez les autres. C’est vers le temps de Galilée que naît la physique, c’est dans le XVIIIe siècle que se constitue la chimie, c’est de nos jours que les bases de la physiologie se complètent ; enfin, pour avoir le cadre entier des connaissances spéculatives, il faut y faire entrer l’histoire ou science sociale, et c’est un auteur contemporain, M. Auguste Comte, qui en a tracé les premiers linéamens dans sa Philosophie positive.

Parmi ceux qui ont notablement contribué aux récens progrès de la