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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/209

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physiologie est rangé M. Müller, célèbre non-seulement en Allemagne, mais encore dans toute l’Europe. Quatre éditions de son traité témoignent de la haute réputation de l’auteur et du succès de son enseignement ; la traduction, on n’en peut pas douter, rencontrera de l’accueil en France. Sans aller contre la destination de cette Revue, je me servirai de l’excellent livre de M. Müller comme d’un texte, pour exposer, en suivant les grandes divisions de l’auteur allemand et le plan qu’il s’est tracé, les notions les plus générales de la science.

Des Prolégomènes sont consacrés à l’examen de diverses questions préparatoires, et servent d’entrée en matière. Le premier résultat de la constitution de la physiologie a été de la séparer nettement des autres sciences dans lesquelles jusque-là elle était sans cesse menacée de retomber. C’était tantôt la mécanique, tantôt la physique, tantôt la chimie, en faveur desquelles elle se montrait disposée à abdiquer toute individualité ; et de nos jours, depuis les importantes découvertes de l’électricité en mouvement et de son action sur les muscles, combien n’a-t-on pas vu éclore de tentatives destinées à confondre l’agent vital avec l’agent électrique ! « Rien ne nous autorise, dit M. Müller, à admettre l’identité de la vie avec les substances impondérables qui nous sont connues, avec les forces générales de la nature, chaleur, lumière, électricité. Loin de là, le moindre examen suffit pour faire rejeter toute idée d’un semblable rapprochement. Le magnétisme dit animal sembla d’abord répandre quelque jour sur ce sujet énigmatique. On crut que le frottement d’un homme par un autre, l’apposition des mains, etc., produisaient des effets dépendant de la transmission d’un prétendu fluide, que quelques personnes s’imaginaient même pouvoir accumuler à l’aide de certains appareils ; mais l’histoire du magnétisme animal présente un déplorable tissu de mensonges et de déceptions : elle n’a montré qu’une seule chose, c’est combien peu la plupart des médecins ont d’aptitude pour les observations empiriques, et combien ils sont loin de posséder l’esprit d’examen si généralement appliqué dans les autres sciences physiques. Il n’est aucun fait dans cette histoire qui ne soulève des doutes, et l’on n’a la certitude que d’une seule chose, le nombre infini des illusions. »

L’esprit d’examen n’est pas moins répandu parmi les médecins que parmi les autres savans ; mais, chez eux, il rencontre des difficultés particulières qu’il est bon d’indiquer. L’expérimentation en physiologie ne peut aucunement être comparée à l’expérimentation en physique ou en chimie. Pour qu’une expérience fournisse des résultats nets et précis, il faut que, de toutes les conditions du problème, une seule soit changée ; le changement correspondant qui se manifeste dans les effets met en lumière le point cherché. Un baromètre porté sur une montagne, tout restant égal d’ailleurs, démontre la pesanteur de l’air. Le même pendule