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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/478

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Plotin et de Proclus. Il s’est acquitté de cette tâche avec une érudition, avec une sagacité métaphysique exercées et mûries par les travaux du professorat. Néanmoins l’explication si fidèle, si détaillée qu’elle soit, de la doctrine grecque, ne suffit point. N’y avait-il pas dans Alexandrie des Juifs, des chrétiens, avec leurs écoles et leurs théories ? L’école judaïque d’Alexandrie, dont Philon fut le représentant le plus illustre, n’a-t-elle pas exercé, tant sur la philosophie grecque que sur le christianisme naissant, une influence profonde ? Pour ce qui concerne le christianisme, de savans interprètes du Nouveau-Testament, dans le dernier siècle et dans le nôtre, ont signalé de nombreuses ressemblances entre le style de saint Paul et la façon d’écrire des Juifs d’Alexandrie. De leur côté, avec quelle émulation les chrétiens se mirent, dès les premiers momens, à puiser dans tous les trésors de l’intelligence grecque pour mieux défendre leurs croyances nouvelles ! Ils ne débutèrent pas par réprouver la philosophie, mais par s’en servir ; le langage de saint Clément d’Alexandrie est bien différent de celui de saint Cyrille ou de saint Augustin. Entre Plotin et Proclus se place la grande lutte d’Arius et d’Athanase. Nous eussions voulu trouver dans le livre de M. Jules Simon une résurrection savante de tous les élémens au milieu desquels les figures et les systèmes des grands platoniciens eussent eu encore plus de relief. Si les historiens des idées veulent qu’on reconnaisse toute l’importance de la métaphysique, il faut qu’ils sachent l’encadrer dans la réalité même, et la placer avec vigueur au centre des affaires et des révolutions humaines. Pourquoi n’y aurait-il pas aussi dans une histoire de l’école d’Alexandrie des pages consacrées avec une sobriété judicieuse aux sciences et aux arts, aux travaux de l’histoire, de la critique littéraire, de l’astronomie, de la médecine ? Pourquoi un rayon de la poésie de Callimaque et d’Apollonius ne répandrait-il pas une douce lumière sur la sévère étendue de cet immense sujet ? Enfin ne sommes-nous pas dans une ville célèbre entre toutes les cités de l’antiquité par la pétulance de son peuple, sa curiosité insatiable, sa vanité, son amour du plaisir, des spectacles et de toutes les choses nouvelles, par sa mobilité toujours prête à dégénérer en violence et en fureur ? Quelle impression vraie, profonde, eût produite l’écrivain, si de temps à autre il eût laissé monter jusqu’au lecteur méditant avec lui sur les plus ardus problèmes le bruit du flot populaire !

Dans cet ensemble, l’historien de l’école d’Alexandrie n’eût pas seulement trouvé des effets littéraires, mais l’heureuse nécessité d’approfondir des points essentiels. Parvenu à la conclusion de son ouvrage, M. Jules Simon indique l’importante question de l’influence mutuelle du christianisme sur l’école d’Alexandrie, et de l’école d’Alexandrie sur le christianisme ; malheureusement il ne la traite pas. « Les miracles que les alexandrins s’attribuent, dit M. Jules Simon, tiennent sans doute