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aux superstitions du temps ; mais n’est-il pas vraisemblable aussi que les miracles de Jésus-Christ et des apôtres excitent l’admiration des philosophes ? D’où vient à Porphyre tant d’indignation contre les idoles ? Pourquoi prescrit-il l’usage de la prière ? Où Julien a-t-il appris la nécessité d’un culte extérieur ?… Que dire de l’abstinence de Porphyre ? » Tout cela est d’une critique bien légère. Si M. Jules Simon se fût engagé dans l’étude de l’école juive d’Alexandrie, dans la recherche des idées et des mœurs orientales, dont la trace était si visible dans cette cité, il n’eût pas procédé, à la fin de son ouvrage, par ces interrogations vagues ; il eût été en mesure de nous livrer des résultats positifs, ou du moins des conjectures puissantes. Les miracles, l’usage de la prière, l’abstinence, le jeûne, l’importance d’un culte extérieur, toutes ces choses sont-elles donc particulièrement chrétiennes, comme semble le penser l’historien de l’école d’Alexandrie ? On serait plus près du vrai en y voyant des emprunts aux croyances et aux idées des Orientaux et des Grecs. Pour n’indiquer qu’un point, l’abstinence de certaines viandes et le jeûne sont des pratiques égyptiennes qu’avaient adoptées les Juifs, et qui même avaient passé chez les Romains. Ne trouvons-nous pas dans une des satires d’Horace[1] la preuve qu’on jeûnait à Rome en l’honneur de Jupiter ?

Illo
Mane die, quo tu indicis jejunia…


Quand le christianisme se produisit, il trouva des amas de traditions, de coutumes et de croyances parmi lesquelles il put choisir, pour donner à sa doctrine tout l’appareil d’une religion. Il vaut la peine d’étudier attentivement l’assimilation industrieuse par laquelle le spiritualisme prêché par Jésus-Christ et par saint Paul sut marier à sa propre originalité des parties importantes de la théologie et de la théurgie orientales.

Une juste préoccupation de toutes ces questions intéressantes eût inspiré, nous n’en doutons pas, à M. Jules Simon, une autre manière d’apprécier les choses que le jugement final par lequel il termine son ouvrage. « Ammonius, dit-il, Plotin, tous leurs successeurs, semblent surtout occupés de concilier Platon et Aristote, et tout le reste ne vient ensuite que comme accessoire ; qu’on ne s’y trompe pas, Platon et Aristote, c’est la raison et l’expérience. Concilier la raison et l’expérience dans une unité puissante, voilà en effet toute l’œuvre de la philosophie. » Ici c’est le professeur éclectique de la Sorbonne qui parle beaucoup plus que l’historien impartial des idées. Pour les alexandrins, la conciliation de Platon et d’Aristote n’était pas le but suprême, elle n’était qu’un moyen ; le but était ce que M. Jules Simon relègue dans l’accessoire,

  1. Lib. II. satin. III.