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attacher à un titre inutile qu’à cause de cette ténacité traditionnelle avec laquelle les Anglais adhèrent aux précédens. « Abandonner formellement ce titre ! écrivait Canning, mais les Français savent-ils ce que cela signifie ? Qu’il faudra changer toutes les formes officielles dans toutes les procédures civiles du royaume ; que ce changement même ne peut être fait que par un acte du parlement ; qu’agir autrement serait un acte de haute trahison, une violation de l’acte de règlement qui est pour nous ce qu’est pour eux leur acte de constitution, ou du moins peut être représenté comme tel sans beaucoup d’exagération ! »

La question de la restitution de la flotte paraissait, au début, n’offrir pas moins de difficultés. En somme, comme le traité ne fut pas conclu, ces discussions n’aboutirent à rien.

La négociation allait, du reste, devenir encore plus difficile par suite des exigences nouvelles manifestées par le directoire. Le gouvernement britannique, comme bases du projet de traité, laissait à la France ses conquêtes, et lui restituait presque toutes celles qu’il avait lui-même faites sur elle. Certes, les conditions étaient brillantes ; mais le directoire voulut plus : il demanda que l’Angleterre restituât aussi tout ce qu’elle avait pris aux Espagnols et aux Hollandais. Il prétendait être lié à cet égard par des traités secrets, et la note des commissaires disait : « Le gouvernement français, ne pouvant se défaire des engagemens qu’il a contractés par ces traités, établit, comme préliminaire indispensable de la négociation pour la paix avec l’Angleterre, le consentement de sa majesté britannique à la restitution de toutes les possessions qu’elle occupe, non-seulement sur la république française, mais encore et formellement sur l’Espagne et la république batave. »

En réponse aux reproches de lord Malmesbury, les commissaires déclarèrent qu’ils avaient ignoré eux-mêmes jusqu’à ce moment l’existence de ces traités secrets, et qu’ils n’agissaient que d’après de nouveaux ordres du directoire. Toutefois lord Malmesbury, qui ne voulait pas rompre, fit demander des instructions à sa cour.

Les prétentions du directoire n’étaient pas de nature à fortifier le parti de la paix dans le cabinet britannique. Pitt et Canning étaient toujours dans les mêmes dispositions. Canning écrivait à un de ses oncles : « Pas de courrier de Lille encore. C’est un intervalle d’anxiété et d’impatience qui m’empêche de penser, d’écrire, de parler d’autre chose. Je me lève, je me couche, je mange, je bois, je sors avec rien que ce courrier dans ma tête, et toute la journée je n’entends rien autre chose que : Eh bien ! pas encore arrivé ? Quand viendra ce courrier, et qu’apportera-t-il ? Sera-ce la paix ? »

Pitt partageait les veaux de Camping ; lord Grenville l’avait même soupçonné de chercher dans l’opinion publique un appui contre l’opposition qu’il lui faisait dans le cabinet, et il avait fait prendre dans le