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longue intrigue formée pour reporter M. Pitt au pouvoir la remplissent presque entièrement.

Pendant les dix dernières années de sa vie, lord Malmesbury tint un journal de ses pensées. Dans toute sa correspondance, surtout celle des premiers temps de sa carrière publique, il nous apparaît un peu comme un libre penseur, devenu assez philosophe dans le commerce de Frédéric, de Catherine, et des beaux esprits du XVIIIe siècle. Son petit-fils, l’éditeur de sa correspondance, cite les dernières paroles que son aïeul écrivit quinze jours avant sa mort, et y trouve l’expression d’un vif sentiment religieux. Néanmoins nous ne saurions y voir que l’inspiration d’une philosophie tranquille, convenable et bien réglée, une calme reconnaissance envers l’Être suprême, une sage résignation au moment de rejoindre la terre, sa mère. Voici, du reste, ce passage, qui nous paraît donner une juste idée du caractère essentiellement raisonnable et réfléchi de cet éminent diplomate

« Tu as compté ta soixante-quatorzième année, ayant reçu la faveur de vivre plus long-temps qu’aucun de tes ancêtres depuis 1606. Ton existence a été sans grand malheur et sans aucune maladie aiguë, et telle que tu dois en montrer une extrême reconnaissance. Montre-la en louant et remerciant l’Être suprême, et en te préparant à employer le reste de ta vie sagement et discrètement. Ton premier pas sera probablement le dernier. Ne cherche pas à en différer l’arrivée, et ne te lamente point sur sa proximité. Tu es trop épuisé, et d’esprit et de corps, pour pouvoir servir ton pays, tes amis ou ta famille. Tu as le bonheur de laisser tes enfans tranquilles et heureux ; sois content de rejoindre ta mère, la terre, avec calme et avec la résignation convenable. Tel est ton devoir impérieux. Vale. »

Lord Malmesbury mourut le 20 novembre 1820, et ce ne fut qu’en 1844 et 1845 que son petit-fils donna la publicité à cette correspondance, aussi indiscrète qu’intéressante, dont nous avons fait connaître les plus curieuses parties.


JOHN LEMOINNE.