DE LA
FORMATION ET DES PROGRES
DU TIERS-ETAT.
Il n’y a plus de tiers-état en France, le nom et la chose ont disparu dans le renouvellement social de 1789 ; mais ce troisième des anciens ordres de la nation, le dernier en date et le moindre en puissance, a joué un rôle dont la grandeur, long-temps cachée aux regards les plus pénétrans, apparaît pleinement aujourd’hui. Son histoire, qui désormais peut et doit être faite, n’est autre que l’histoire même du développement et des progrès de notre société civile, depuis le chaos de mœurs, de lois et de conditions, qui suivit la chute de l’empire romain, jusqu’au régime d’ordre, d’unité et de liberté de nos jours. Entre ces deux points extrêmes, on voit se poursuivre à travers les siècles la longue et laborieuse carrière par laquelle les classes inférieures et opprimées de la société gallo-romaine, de la société gallo-franke et de la société française du moyen-âge, se sont élevées de degré en degré jusqu’à la plénitude des droits civils et au partage des droits politiques, immense évolution qui a fait disparaître successivement du sol où nous vivons toutes les inégalités violentes ou illégitimes, le maître et l’esclave, le vainqueur et le vaincu, le seigneur et le serf, le noble et le roturier,