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se fit conservateur du principe électif, et ce concours, s’il n’arrêta pas la décadence municipale, devint plus tard un moyen de réaction civile et de rénovation constitutionnelle. Le Xe siècle et le siècle suivant marquent, pour la population urbaine, le dernier terme d’abaissement et d’oppression ; elle était, sinon la classe la plus malheureuse, du moins celle qui devait souffrir le plus impatiemment le nouvel état social, car elle n’avait jamais été ni esclave ni serve, elle avait des libertés héréditaires et l’orgueil que donnent les souvenirs. La ruine de ces institutions, qui nulle part ne fut complète, n’eut point lieu sans résistance ; et, quand on remue à fond les documens de notre histoire, on y rencontre, antérieurement au XIIe siècle, la trace d’une lutte bourgeoise contre les pouvoirs féodaux. C’est durant cette ère de troubles et de retour à une sorte de barbarie, que s’opéra la fusion, dans un même ordre et dans un même esprit, de la portion indigène et de la portion germanique des habitans des villes gauloises, et que se forma entre eux un droit commun, des coutumes municipales, composées à différens degrés, suivant les zones du territoire, d’élémens de tradition romaine et de débris des anciens codes barbares.

Cette crise dans l’état de la société urbaine, reste vivant du monde romain, n’était pas bornée à la Gaule ; elle avait lieu en Italie avec des chances bien meilleures pour les villes de ce pays, plus grandes, plus riches, plus rapprochées l’une de l’autre. C’est là que dans la dernière moitié du XIe siècle, à la faveur des troubles causés par la querelle du sacerdoce et de l’empire, éclata le mouvement révolutionnaire qui, de proche en proche ou par contre-coup, fit renaître, sous de nouvelles formes et avec un nouveau degré d’énergie, l’esprit d’indépendance municipale. Sur le fonds plus ou moins altéré de leurs vieilles institutions romaines, les cités de la Toscane et de la Lombardie construisirent un modèle d’organisation politique, où le plus grand développement possible de la liberté civile se trouva joint au droit absolu de juridiction, à la puissance militaire, à toutes les prérogatives des seigneuries féodales. Elles créèrent des magistrats à la fois juges, administrateurs et généraux ; elles eurent des assemblées souveraines, où se décrétaient la guerre et la paix ; leurs chefs électifs prirent le nom de consuls. Le mouvement qui faisait éclore et qui propageait ces constitutions républicaines ne tarda pas à pénétrer en Gaule par les Alpes et par la voie de mer. Dès le commencement du XIIe siècle, on voit la nouvelle forme de gouvernement municipal, le consulat, apparaître successivement dans les villes qui avaient le plus de relations commerciales avec les villes d’Italie, ou le plus d’affinité avec elles par les mœurs, l’état matériel, toutes les conditions de la vie civile et politique. Des villes principales où elle fut établie, soit de vive force, soit de bon accord entre les citoyens et le seigneur, la constitution italienne s’étendit