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DE


LA LITTERATURE


PROVENCALE.




HISTOIRE DE LA LITTERATURE PROVENCALE, par M. FAURIEL[1]




I.

La poésie provençale, source commune de la plupart des littératures de l’Europe chrétienne, semblait être, jusqu’à ces dernières années, le domaine particulier d’un homme que l’opinion publique avait investi d’une sorte d’autorité suprême. M. Raynouard était en possession de diriger les études consacrées à l’idiome dont la France méridionale défend aujourd’hui assez mal les restes, déjà méconnaissables, contre la supériorité du langage de la France du nord. À l’heure qu’il est, c’est encore M. Raynouard qu’invoquent comme souverain juge les provinces flattées de l’intérêt qu’il a appelé sur leur langue et sur leurs antiques souvenirs ; c’est au même nom que se rattachent les essais tentés par les autres nations pour se rendre compte de cette littérature, dont leur génie est tributaire.

L’Angleterre, l’Espagne, l’Italie, qui ont eu pour la littérature provençale un culte long-temps éclairé, ne lui accordent plus, il est vrai, qu’une attention distraite et languissante[2] ; mais le pays qui partage avec la France l’honneur d’entretenir

  1. Trois vol. in-8o, chez Labitte, passage des Panoramas.
  2. Les derniers éditeurs de l’Histoire de la poésie anglaise de Warton, en remaniant ce livre consacré presque tout entier au XVe siècle, ont à peine su y mentionner les troubadours. — M. E. de Ochoa, dans son catalogue des manuscrits espagnols, a encore désigné, d’après les anciennes indications, sous le nom de poème catalan, la légende épique de Santa Enimia, que M. Raynouard avait déjà signalée comme un des monumens les plus curieux de la poésie provençale, et que doit publier prochainement M. Vaissade, l’un des conservateurs de la bibliothèque de l’Arsenal. — M.J. Galvani, l’un des bibliothécaires du duc de Modène, a fait paraître en 1829 Osservazioni sulla poësia de’ trovatori, ouvrage qui, bien que cité par M. Fauriel, n’est qu’un pâle abrégé des travaux de M. Raynouard.