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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/626

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remplissaient la chapelle de lueurs douces qui augmentaient dans l’ame le sentiment de la piété. L’épée du maître du château, tant qu’il n’était pas à la guerre, reposait au pied de l’autel, afin qu’elle participât à l’efficacité des prières dites chaque jour dans ce saint lieu, et qu’elle acquît une force invincible par ce contact béni.

En remontant cet escalier, creusé dans les fondations même du château, on parvenait au rez-de-chaussée, où était la salle des armures, sombre collection de tous les casques, de toutes les cuirasses et de toutes les masses d’armes ayant appartenu aux Beaumont depuis des siècles. Les armures se succédaient par ordre chronologique ; ainsi toute la race se trouvait représentée à ce congrès de fer. C’était l’histoire du temps, on la croyait impérissable sous cette forme : c’est celle qui a le moins duré. Dix lignes écrites par Commines ou Froissart ont consigné des noms et des faits qui ne peuvent plus mourir, tandis que les plus fines armures de Milan et les plus solides épées de Tolède ont été mangées par la rouille ou cassées sur le genou des révolutions, qui en ont jeté les morceaux dans la forge pour en faire des clous.

Le donjon ou tour principale du château des Adrets avait quatre étages, auxquels on parvenait par des escaliers à vis appliqués à l’extérieur et protégés par de petites tours. Quelquefois cet escalier était creusé dans l’épaisseur du mur, ce qui était préférable en cas de siége. Le premier étage du donjon était affecté au logement des gens de service, à l’arsenal et à la garnison du château ; et comme il importait beaucoup, dans les prévisions d’un siége, de le mettre à l’abri des projectiles, il n’était percé que d’un très petit nombre de croisées étroites par où la lumière parvenait à peine à s’introduire. Ce premier étage du donjon était nécessairement très obscur. Beaucoup plus aérés, beaucoup plus clairs, le second et le troisième étages offraient des pièces un peu moins incommodes. Le troisième étage du donjon supportait quelquefois un balcon d’où le seigneur à certains jours de l’année, dans les grandes occasions, daignait se montrer à ses vassaux. Le quatrième et dernier étage était la plate-forme même de la tour, d’où la vue plongeait dans tous les sens sur la campagne et où l’on plaçait la cloche d’alarme. Telle était la destination du donjon. Plus tard, ce fut la tour placée le plus près de la porte d’entrée qui devint le séjour de prédilection des seigneurs. Ils ne la quittaient qu’au moment d’une attaque dirigée contre le château ; dans ce cas, ils se hâtaient d’aller habiter le donjon, où il était plus difficile de les surprendre et de les vaincre.

La salle où se tenait la famille était la plus grande du château après la salle des armures. On l’appelait la salle ménagère. Sa seule parure était la cheminée, qui occupait tout le fond de l’appartement, sauf le coin où se dessinait une petite porte de sortie, cachée par un rideau de grosse serge verte ou violette. Son manteau, qui tombait en s’évasant