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fut la faible défense qu’il opposa aux troupes catholiques assiégeant Sisteron. Condé et Coligny ne doutaient plus de la perte de ce chef, qui les avait trop servis. Cossé-Brissac lui offrit ensuite, pour prix de son concours ou même de sa neutralité, la somme de 100,000 écus payables à Strasbourg. Ces préliminaires avancèrent beaucoup les choses. Dans une entrevue ménagée adroitement, peu de temps après, entre le baron et le duc de Nemours, celui-ci dit nettement :

« — Baron, vous pouvez, sans crainte de passer pour perfide, abandonner des ingrats. »

A quoi des Adrets répondit :

« — Le seul bien public me touche dans les circonstances actuelles et dans le rang que j’occupe. Je convoquerai bientôt les états de la province et les chefs de mon parti, à qui je m’efforcerai de faire entendre qu’une paix, même désavantageuse, est préférable à une guerre que la honte suit de près. Je vous avertirai des résolutions qu’on prendra. Quant à moi, je suis déterminé à verser mon sang au service du roi et pour le repos de la France. »

On ne s’exprimerait pas mieux aujourd’hui pour couler doucement du trône de la popularité dans le lit de la défection. Il tint parole au duc de Nemours : il assembla les états ; mais ceux-ci refusèrent d’accepter la paix aux conditions douteuses qu’il voulait insérer dans le traité avec le duc de Nemours.

Instruit jour par jour de la conduite très louche du baron, Condé ordonne à Pape-Saint-Auban de ramener auprès de lui le traître des Adrets, sous prétexte de lui conférer de plus hauts emplois, au fond pour le révoquer tout-à-fait et s’emparer de sa personne au besoin ; mais Saint-Auban est arrêté, sa mission est découverte, le baron apprend tout : il s’indigne, il éclate ; il ne veut pas être soupçonné de trahison… La noblesse et le tiers-état lui répondent en nommant Crussol gouverneur du Dauphiné ; Crussol était son plus mortel ennemi. Il ne tarde pas à subir des conséquences non moins humiliantes de son changement d’opinion. Valence, la ville qu’il a autrefois conquise, Valence, sa favorite, nie son autorité ; les protestans de cette ville le chassent honteusement de leurs murs. Il fuit, Montbrun l’arrête à Romans et le conduit à Nîmes : rigueur tardive, le traître des Adrets a déjà remis aux autorités catholiques toutes les villes et places fortes qu’il avait prises avec l’aide des protestans, forcés, ainsi désarmés, de signer la paix qu’on leur propose. Un des articles de ce traité stipulait la liberté du baron. Il la recouvre et reprend le chemin de son château de la Frette, qu’il n’a plus revu depuis tant d’années.

Ici nous perdons la trace biographique du capitaine La Coche ; il disparaît derrière la fumée rougeâtre des guerres civiles, loin d’être finies