Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/650

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Collot-d’Herbois. Au fond, ce fut la même révolution, puisque le but était le même : mettre une conscience nouvelle à la place d’une conscience ancienne. Toutes les deux se trompèrent, et toutes les deux réussirent. Elles se trompèrent en ce qu’elles voulurent tout faire, ce qui est impossible, même à Dieu, qui prend le temps pour auxiliaire ; elles réussirent en ce que l’une rendit le pouvoir spirituel plus sage, l’autre le pouvoir temporel plus humain. La première, de catholiques dépravés, tombés au dernier degré de la superstition, prétendit faire des protestans rigides : elle a obtenu des chrétiens ; l’autre ne voulut créer que des sans-culottes : elle a produit des honnêtes gens. Mais, sans ces révolutions, il est douteux, on peut le croire, que la France eût conquis dans ses provinces méridionales ces deux beaux résultats. Achetés cher, ils doivent être conservés avec plus de soin et d’affection.

Quant à la blanche sœur de l’histoire, la poésie, elle a des tableaux sublimes où reposer sa vue quand elle passe, en soulevant sa robe diaphane, à travers les sentiers de ce Dauphiné si grave et si pittoresque, à demi vert, à demi blanc de neige. Toutes les crêtes de ces montagnes qui courent du Mont-Blanc à la mer sont couronnées de vieux châteaux-forts couverts de lierres qui les garnissent d’une dentelle délicate. Au coucher du soleil, ils affectent des formes mélancoliques ou terribles. Là on dirait des tombeaux brisés ; là, des fournaises pleines de charbon embrasé, ou les murs de Dité, la ville dont Dante a fait la capitale de son enfer ; là, des sièges de granit où vont s’asseoir les grands vassaux, les seigneurs suzerains. La Frette est la carcasse d’un monstre difforme, dont le baron des Adrets était l’ame. Qu’on juge de l’ame par les débris du corps, de l’homme par son squelette.


LEON GOZLAN.