Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/674

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le nouvel établissement de Laboan soulève même avec la Hollande une question diplomatique un peu trop négligée peut-être par les agens anglais. La Hollande occupe, on le sait, sur la côte orientale et sur la côte occidentale de Borneo, des territoires étendus qualifiés de royaumes, Benjermassing, Sambas, etc. Si les Anglais s’étaient trouvés dans une situation pareille, ils eussent prétendu sans doute en tirer le droit d’exclure de l’île entière toute colonie européenne. On pourrait, à l’aide d’un raisonnement semblable, contester la légitimité de la récente conquête ; mais une prétention qui n’eût pas été juste de la part de l’Angleterre ne le deviendrait pas davantage dans la bouche de ses voisins. Nous reconnaissons volontiers que le sultan de Borneo, étant souverain d’un état indépendant, pouvait aliéner une partie de son territoire. Le droit de l’Angleterre d’occuper Laboan est inattaquable, à moins qu’elle n’ait consenti à restreindre, par des conventions antérieures, la faculté de s’établir dans ces parages. Une restriction de cette nature existe-t-elle dans le traité signé à Londres, le 17 mars 1824, entre la Grande-Bretagne et le gouvernement néerlandais, et avant pour objet les possessions territoriales et le commerce des deux états dans les Indes orientales ? C’est là une question importante et délicate.

A la première lecture de la convention de 1824, on est frappé de la pensée principale qui guidait les deux pays. Maintenir entre eux la situation relative résultant du remaniement colonial dicté par l’Angleterre à la suite du dernier conflit européen, tel est le but du traité. La Grande-Bretagne obtint un acquiescement solennel à l’extension de son empire ; asiatique ; elle accorda en retour à la Hollande des garanties pour le maintien de l’équilibre actuel. Si les agrandissemens ultérieurs ne sont pas absolument interdits, ils sont expressément mis en une sorte de suspicion. De peur que les agens ou les officiers de l’un ou de l’autre peuple ne soient portés trop aisément à mettre le pied sur de nouveaux territoires, les deux puissances conviennent, par l’article 6, de donner des ordres, afin qu’une prise de possession ne s’effectue jamais sans une autorisation préalable, émanée non pas des gouvernemens généraux de Calcutta ou de Batavia, mais de la métropole même. Le paragraphe 2 de l’article 12, qui concerne exclusivement l’Angleterre, est encore plus significatif : « Sa majesté britannique s’engage à ce qu’aucun établissement anglais ne soit formé sur les îles Carimon et sur celles de Battan, de Bintang, de Lingin, ou quelques autres îles au sud des détroits de Singapore, et à ce qu’aucun traité ne soit conclu par les autorités britanniques avec les chefs de ces îles. » L’île de Borneo et les îles indépendantes de l’archipel oriental sont-elles comprises dans les termes de cette renonciation ? Je ne veux point le soutenir ; il me paraît même que, si l’interdiction avait dû porter sur des territoires aussi vastes, on le aurait nominativement désignés. En restreignant toutefois le sens de