Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/686

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nulle part la forme du corps. Pour exécuter une figure dans de pareilles proportions, il faut une hardiesse, une science que M. Bion ne semble pas posséder. J’ajouterai que j’avais trouvé dans ses précédens ouvrages une élégance qui ne se rencontre pas dans le Christ de cette année.

La Valentine de Milan, de M. Huguenin, est loin de satisfaire à toutes les exigences d’un pareil sujet. Cette figure, en effet, dont le modèle appartient à la renaissance, est traitée dans un style qui conviendrait tout au plus aux sculptures d’une cathédrale gothique. Que M. Huguenin aille visiter le musée d’Angoulême, qu’il regarde attentivement les ouvrages que la renaissance nous a légués, et qu’il se demande s’il a donné à Valentine de Milan l’élégance et la beauté que l’histoire lui attribue. Cette figure est destinée au jardin du Luxembourg, on pourra donc la voir de près. Or, l’exécution du visage, des mains et du vêtement n’a pas la finesse et la variété que nous avions le droit d’attendre. Je sais que le marbre ne se prête pas facilement à la représentation des étoffes. Pourtant il y a des modèles en ce genre, M. Huguenin pouvait les consulter. Dans la statue qu’il nous a donnée, Valentine semble accablée sous le poids de son vêtement.

Que dire du Descartes de M. Nieuwerkerke ? Il est difficile d’imaginer un ouvrage plus vulgaire. Pour un sculpteur habile, en possession d’une vraie science, c’eût été une occasion éclatante de montrer toutes les ressources de son talent. M. Nieuwerkerke, qui a débuté par des statuettes, ne s’est pas aperçu qu’il faut autre chose que de l’adresse pour exécuter des figures de six pieds. La statue équestre de Guillaume-le-Taciturne nous avait pleinement révélé toute son insuffisance. La statue de Descartes ne pouvait donc rien nous apprendre à cet égard. Nous engageons l’auteur à choisir pour sujet de ses prochaines études un personnage dont le nom soit moins célèbre : à cette condition peut-être le public sera-t-il moins exigeant.

La statue de Cambronne, de M. De Bay, est une erreur que j’ai peine à m’expliquer. De quelque côté, en effet, qu’on regarde cette statue, il est impossible de trouver un ensemble de ligues satisfaisant. Il y a dans l’attitude et la physionomie du général une emphase théâtrale qui peut convenir au Cirque-Olympique, mais dont la statuaire ne saurait s’accommoder. La bravoure et l’énergie de Cambronne, pour se manifester clairement, n’ont pas besoin de cette pantomime exagérée. Si nous laissons de côté la composition pour nous occuper de l’exécution des morceaux, nous ne pouvons nous montrer moins sévère. La tête, les mains et le vêtement sont restés à l’état d’ébauche. Si cette statue doit être coulée en bronze pour la ville de Nantes, l’auteur fera bien, avant de la livrer au fondeur, de donner à la pantomime de sa figure un peu plus de simplicité ; quant à l’exécution de la tête et des mains, je suppose qu’il ne la considère pas comme définitive.