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conservées dans les archives leur fussent livrées en examen[1]. Ils en firent la base de leur travail d’épuration et de réorganisation ; mais, pendant que ce travail se poursuivait, de vives résistances s’annoncèrent de la part de ceux qui entouraient la reine et l’héritier du trône. Un complot fut ourdi contre la sûreté de la ville, et l’indignation populaire s’anima au plus haut degré ; il y eut une prise d’armes tumultueuse, et la bastille Saint-Antoine, cette citadelle de la royauté dans Paris commencée sous Charles V et rasée sous Louis XVI, fut investie par le peuple comme au 14 juillet 1789[2]. Une capitulation suspendit l’émeute ; mais bientôt de nouveaux signes de mauvais vouloir à la cour amenèrent de nouvelles prises d’armes du parti cabochien. Des attroupemens redoutables, dont les chefs et les orateurs étaient le médecin Jean de Troyes et Eustache de Pavilly, docteur en théologie, envahirent tantôt le palais du roi, tantôt l’hôtel du dauphin, faisant suivre les harangues politiques de violences contre les personnes, d’arrestations de seigneurs et même de dames que le peuple haïssait. Enfin, le 25 mai 1413, les résolutions des nouveaux réformateurs, rédigées, comme celles des états de 1356, sous la forme d’une ordonnance royale, furent lues devant le roi en son lit de justice et déclarées obligatoires et inviolables[3].

Cette ordonnance, qui n’a pas moins de deux cent cinquante-huit articles, est un code complet d’administration, établissant une hiérarchie de fonctionnaires électifs, imposant des règles de gestion et de comptabilité, limitant les offices, soit en nombre, soit quant au pouvoir, et assurant aux sujets de toutes les classes des garanties contre l’injustice, l’oppression, l’abus de la force ou de la loi. Il y a là un immense détail de prescriptions de tout genre, sur lequel semblent dominer deux idées, la centralisation de l’ordre judiciaire et celle de l’ordre financier ; tout aboutit d’un côté à la chambre des comptes, et de l’autre au parlement. L’élection est le principe des offices de judicature, il n’y a plus de charge vénale ; les lieutenans des prévôts, des baillis et des sénéchaux sont élus par les gens de loi et les avocats du district. Pour la nomination d’un prévôt, les gens de pratique et autres notables désignent trois candidats, entre lesquels choisit le chancelier assisté de commissaires du parlement. Pour la prévôté de Paris et les autres offices supérieurs, c’est le parlement qui nomme au scrutin, sans formalité de candidature ; il choisit de même ses propres membres et ne peut en prendre plusieurs dans la même famille. Les prévôts, baillis et sénéchaux doivent être nés hors de la province où ils

  1. Chron. du religieux de Saint-Denis, t V, p. 4. — Histoire de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. 11, p. 483.
  2. Chron. du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 8 et suiv.
  3. Recueil des Ordonnances des rois de France, t. X, p. 170 et suiv.- Chron. Du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 50 et suiv.