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de Louis XI ; une longue paix semblait être le seul moyen de salut, et l’ère des grandes guerres s’ouvrit pour la nation, sans crise au dedans et avec honneur au dehors.

Au XIIe siècle, la renaissance des institutions municipales avait été le contre-coup d’une révolution opérée en Italie ; la renaissance du droit romain au XIIIe siècle nous était venue des écoles italiennes ; à la fin du XVe, une autre initiation de l’Italie, la renaissance des lettres, eut lieu pour nous, mais à la faveur d’événemens déplorables, de cinquante ans de guerre au-delà des Alpes. Une fois ouvert par nos armes et par ses discordes à l’occupation étrangère, le pays qui gardait et fécondait pour le monde les traditions du génie romain devint le champ de bataille et la proie des monarchies européennes. Il perdit l’indépendance orageuse qui avait fait sa vie, et dès-lors il déclina sans cesse au milieu des progrès de la civilisation moderne. La France eut le malheur de porter le premier coup pour cette grande ruine, et, mise en contact, quoique violemment, avec les états libres et les principautés d’Italie, elle puisa dans ces relations, soit hostiles, soit amicales, un esprit nouveau, le culte des chefs-d’œuvre antiques et la passion de renouveler, par leur étude, toutes les idées et tous les arts. Par cette révolution intellectuelle, en même temps qu’une voie plus large et plus sûre fut ouverte au génie national, il s’établit en quelque sorte une communion de la pensée pour les hommes d’élite que la séparation des rangs et des classes tenait à distance l’un de l’autre ; quelque chose d’uniforme infusé par l’éducation littéraire atténua de plus en plus les différences traditionnelles d’esprit et de mœurs. Ainsi se prépara par degrés l’avènement d’une opinion publique nourrie dans la nation tout entière de toutes les nouvelles acquisitions du savoir et de l’intelligence. Cette opinion, qui s’est emparée de tout et a tout transformé depuis un siècle, date, pour qui veut marquer ses origines, du temps où commence à se former, au-dessus de la tradition indigène, des préjugés de caste, d’état et de croyance, un fonds commun d’idées purement laïques, d’études sorties d’une source autre que celle des écoles du moyen-âge.

En dépit des maximes qui avaient retenti à la tribune de 1484 : souveraineté du peuple, volonté du peuple, droit de possession du peuple sur la chose publique, rien ne changea quant au caractère des états-généraux ; ils furent depuis lors ce qu’ils étaient auparavant, un recours suprême dans les temps de crise, non une institution régulière et permanente. On dirait que ce fut la destinée ou l’instinct de la nation française de ne point vouloir sérieusement la liberté politique, tant que l’égalité serait impossible. C’est du tiers-état brisant le régime des ordres et réunissant tout à lui que devait émaner chez nous le premier essai d’une constitution représentative. Les états-généraux, sous Charles VIII, avaient demandé que leur droit d’intervention fût déclaré permanent