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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/758

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comme il l’avait été de son père, il se fit auprès du souverain le représentant de tous les intérêts scientifiques. Grace à son intervention éclairée, les savans reçurent ces encouragemens qui, en récompensant les travaux passés, assurent les travaux à venir. Des publications importantes furent entreprises et terminées aux frais du gouvernement ou du roi lui-même. La Prusse se vit dotée de magnifiques établissemens. Le Thiergarten, le Pfauninsel de Berlin, s’enrichirent de ménageries disposées avec autant de goût que d’intelligence ; des jardins botaniques furent plantés, et Charlotenbourg vit s’élever cet observatoire magnétique modèle où le cuivre, remplaçant partout le fer et l’acier, met les observations entièrement à l’abri des chances d’erreur.

Ce n’est pas seulement dans sa patrie que M. de Humboldt exerce cette haute et salutaire influence. L’Europe tout entière a accepté cette domination du savoir, et c’est à elle qu’est due la plus gigantesque entreprise qu’on ait encore tentée dans le but d’approfondir l’étude d’une classe de phénomènes particuliers. Dès 1806, M. de Humboldt s’était occupé d’une manière spéciale du magnétisme terrestre. Il avait substitué une observation incessante de plusieurs jours et de plusieurs nuits consécutives à un système d’observations isolées et interrompues. Déjà il avait remarqué dans la marche de l’aiguille aimantée des perturbations singulières. En 1820, M. Arago montra, par la comparaison de ses observations avec celles de Kasan, que ces perturbations se produisaient d’une manière identique à des distances très considérables ; il reconnut qu’elles coïncidaient avec l’apparition des aurores boréales. Les belles découvertes d’OErsted, en mettant hors de doute les rapports intimes qui existent entre le magnétisme et l’électricité, donnaient un intérêt tout nouveau à ces faits remarquables, et conduisaient à admettre l’existence de véritables orages magnétiques. Des observations simultanées, faites à Paris et à Berlin par MM. Arago et Humboldt, vinrent confirmer ces premiers résultats, et montrer tout ce qu’on pourrait attendre d’un système régulier et général d’observations fondé sur le même principe. En 1829, pendant son voyage dans l’Asie septentrionale, M. de Humboldt désigna les points les plus propres à l’établissement de stations magnétiques, et le gouvernement russe s’empressa de suivre ses indications. Plus tard, la France, la Suède, l’Italie, l’Allemagne, obéissant à l’appel de l’illustre voyageur, formèrent une association magnétique dont Goettingue devint le centre. Cependant, jusqu’en 1836, l’Angleterre était restée étrangère à ce mouvement. M. de Humboldt se remit à l’œuvre. Dans une lettre adressée au duc de Sussex, président de la Société royale de Londres, il demanda une coopération qui lui fut libéralement accordée. Le capitaine Ross fut chargé d’aller recueillir des observations dans l’hémisphère austral ; des observatoires magnétiques furent élevés dans le Canada, à Sainte-Hélène, au Cap, à