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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/766

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éclairer quelques-unes de ces questions ardues dont la solution immédiate est impossible, à établir un lien entre des phénomènes éloignés et jusqu’à ce jour sans rapport apparent. Agir autrement, ce serait vouloir étouffer l’une des plus belles et des plus puissantes facultés de l’intelligence humaine, ce serait couper les ailes au génie.

Dès le début de son livre, M. de Humboldt s’est vu forcé d’agir conformément aux idées que nous venons d’énoncer. Cosmos devait présenter le tableau de l’univers. Pour ne pas amoindrir son sujet, c’était le ciel lui-même que l’auteur avait à décrire tout d’abord. Notre système particulier, malgré son importance relative, devenait dès-lors un simple détail de l’ensemble. Notre soleil, avec son cortége de planètes et de satellites, n’était plus qu’une de ces étoiles dont les innombrables phalanges étincellent sur nos têtes, ou se cachent dans les profondeurs incommensurables de l’immensité. On le voit, M. de Humboldt se trouvait aux prises avec la branche des sciences humaines dont les progrès sont nécessairement les plus lents. Si l’astronomie mathématique est sans contredit la plus achevée de nos sciences ; si, grace au génie de Newton, aux recherches des géomètres, à la perfection des instrumens et, des méthodes d’observation, elle semble avoir dérobé à la nature le secret du mouvement des corps célestes et nous étonne tous les jours par l’exactitude rigoureuse de ses résultats, il n’en est pas de même de l’astronomie physique. Entre nous et ces mondes qui gravitent dans l’espace, il y a des intervalles dont l’esprit humain ne peut se faire une idée qu’en ayant recours à des moyens détournés. La lumière parcourt 77 mille lieues par seconde, et, malgré cette rapidité prodigieuse de transmission, les ondes lumineuses parties de trois étoiles dont on a pu mesurer l’éloignement, mettent environ 3 ans, 9 1/4 ans et 12 ans pour arriver jusqu’à nos yeux. L’imagination recule à la pensée de ces distances où les lieues ne se comptent plus par milliers, mais par millions de millions, et cependant la science a su les franchir, elle a osé demander à ces abîmes sans fin le secret de la formation des mondes.

William Herschell, un des savans modernes à qui l’astronomie physique doit ses plus remarquables progrès, a franchement abordé le problème. Armé du télescope le plus puissant qu’on eût exécuté jusqu’à lui, il a mesuré les dimensions de l’espace où sont répandues nos étoiles fixes, reconnu la forme lenticulaire que présente leur ensemble, et, portant ses regards au-delà des cieux de la terre, si l’on peut s’exprimer ainsi, il a rendu probable l’existence d’autres systèmes analogues, découvert d’autres firmamens. Au milieu de ces corps étincelant de leur propre lumière et que nous apercevons à la vue simple ou à l’aide de nos instrumens, il a reconnu ou précisé mieux qu’on ne l’avait fait avant lui des différences remarquables. Il a distingué les étoiles proprement dites, véritables soleils sans doute très semblables à celui qui nous