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exemples, quelques classes d’animaux ne peuvent s’élever au-delà d’une certaine limite ; si l’isard et le bouquetin peuplent les glaciers de nos Pyrénées, si l’aigle, le loemmer-gayer et surtout le condor élèvent leur vol puissant bien au-dessus des dernières aiguilles de nos Alpes ou des Cordillières, les poissons s’arrêtent long-temps avant d’avoir atteint la source des fleuves qui prennent naissance près du sommet de ces hautes montagnes. Au-dessus de 2240 mètres environ, Ramond n’a plus trouvé de poissons dans les lacs des Pyrénées. À cette hauteur, la température moyenne est de 1 1/2 degré au-dessus de zéro, et les lacs sont gelés pendant neuf mois de l’année. L’air ne peut donc se renouveler dans le liquide emprisonné sous la glace, et le naturaliste français avait cru pouvoir expliquer par cette circonstance le manque d’êtres vivans au milieu de ces amas d’eau. Cependant M. de Humboldt a observé avec raison que, si telle était la vraie cause du fait signalé par Ramond, on devrait, dans les Andes, trouver des poissons jusqu’à la hauteur où une température moyenne égale produit des effets semblables, c’est-à-dire jusqu’à 4730 mètres environ. Or, il n’en est pas ainsi : sur les Cordillières, les poissons disparaissent des lacs et des ruisseaux à une élévation de 2700 à 3000 mètres. La température moyenne de ces régions est encore de 9 1/2 degrés, et les cours d’eau n’y gèlent jamais. On voit qu’il faut chercher ailleurs l’explication de ce phénomène, et peut-être la trouverait-on dans l’effet résultant d’une diminution trop considérable de pression atmosphérique.

C’est principalement par ses extrêmes que la température d’une contrée agit sur les êtres organisés. Ce sont eux surtout qui règlent la répartition des plantes aussi bien que celle des animaux. Toutes choses égales d’ailleurs, les espèces végétales s’avancent d’autant plus vers les pôles que les étés sont plus chauds. La moyenne annuelle est plus élevée à Cherbourg qu’à Bude, et pourtant la vigne végète à peine en Normandie, tandis que les coteaux de Tokai fournissent au luxe de nos tables un des vins les plus renommés. Les animaux, dans leurs migrations annuelles, présentent des faits analogues : M. de Humboldt nous apprend par exemple que pendant l’été le tigre royal s’avance vers le nord de l’Asie jusque sous les latitudes de Berlin et de Hambourg.

Cependant une température constamment élevée, peut-être combinée avec une lumière plus vive, semble exercer sur l’organisation animale une action incontestable. Ce n’est guère que dans les régions les plus chaudes que les mammifères et les oiseaux présentent dans leurs tégumens ces modifications singulières, d’où il résulte que les poils semblent être remplacés par des écailles, comme chez les pangolins, et les plumes par des crins, comme chez le casoard. Ce n’est que sous l’équateur et dans les contrées intertropicales que nous voyons les oiseaux,