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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/863

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l’exemple a été donné par le gouvernement lui-même, qui a concédé des bassins entiers à diverses compagnies. Ensuite l’esprit d’association, provoqué par les lois, était secondé par l’opinion, qui voyait dans ces crises de l’industrie un mal politique et social. Comment les concessionnaires, ainsi sollicités et éprouvés, n’auraient-ils pas résolu enfin d’unir leurs intérêts pour échapper à des souffrances communes ? Aussi, les intérêts se sont unis, et les agglomérations ont eu lieu. Les unes se sont formées par voie d’acquisition directe, les autres par voie d’association entre plusieurs mines. Telle est, par exemple, l’association des mines de la Loire.

Voici un fait qui prouve combien, jusqu’à ces derniers temps, les associations houillères ont trouvé d’appui dans l’opinion. En 1842, une société dite charbonnière se forma sur le bassin de la Loire. Cette société était l’ébauche de la grande association qui s’est organisée depuis sous le nom de compagnie générale. Instituée pour vendre en commun les produits d’un certain nombre de mines, et pour maintenir la balance entre elles en réglant leur production, elle était une véritable coalition, et cependant les tribunaux ne l’ont point frappée. Pourquoi ? Parce que ses intentions étaient droites, parce que les concessionnaires, en s’unissant, ne conspiraient contre aucun intérêt, parce que leur but, en réglant la production selon l’importance de chacune des mines associées, n’était pas d’accaparer l’exploitation au détriment des consommateurs ou des ouvriers, parce qu’on ne pouvait leur reprocher une hausse abusive des prix, ni l’abaissement des salaires, parce qu’enfin leur seule pensée était de constituer sur des bases nouvelles un ordre de choses régulier, et de terminer une lutte qui ne pouvait satisfaire que des intérêts égoïstes. Aussi la société charbonnière, malgré l’irrégularité de son institution, ne fut pas attaquée, et la science économique, représentée dans la chaire du Collège de France par l’un de ses plus brillans organes, considéra cette conception comme une arme dont l’industrie pouvait légitimement user pour échapper aux maux d’une concurrence anarchique.

Le mouvement de concentration qui s’opère dans l’industrie houillère est donc naturel et légitime. Il est dans l’ordre des choses. Est-ce à dire pour cela que les consommateurs de houille soient menacés du monopole ? Non, car la concurrence subsiste. Seulement le champ de la concurrence est déplacé. Ce ne sera plus, comme autrefois, dans l’intérieur d’un bassin houiller que la lutte s’établira, ce sera au dehors. Grace au perfectionnement et à la multiplicité des voies de communication, grace aux chemins de fer, qui, d’ici à quelques années, sillonneront notre territoire dans tous les sens, grace aux canaux et aux fleuves, dont la navigation s’améliore, on peut dire qu’il n’y a plus de situations privilégiées dans l’industrie houillère. Le prix de la houille dépend de la cherté des transports : là où les voies de communication sont rares, un bassin houiller, isolé des autres, peut faire la loi aux consommateurs qui l’entourent ; mais, avec les chemins de fer, les bassins se rapprochent, leur situation se nivelle et une concurrence régulière s’établit.

Ce que nous disons d’une manière générale à l’égard des bassins houillers de la France peut s’appliquer particulièrement au bassin de la Loire. Il est environné de départemens qui renferment de grandes exploitations houillères. Le bassin du Creuzot et de Blanzy, dans Saône-et-Loire, a 31,000 hectares ; celui d’Alais, dans le Gard, en a près de 27,000. D’autres bassins, moins importans,