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a mis en ordre et rédigé le texte des récits poétiques qui y sont lus. Chacune de ces séances commence par une strophe sur Huçaïn ; puis vient l’énonciation du saint à la mémoire duquel cette nuit est consacrée, un gazal en son honneur et la narration circonstanciée de sa mort. La séance se termine par une élégie ; le tout est entremêlé de strophes, de quatrains, de stances, de masnawi et autres petits poèmes.

C’est ce recueil que M. Bertrand publie aujourd’hui. M. Bertrand a fait preuve de bon goût en rendant sa traduction accessible à tous les lecteurs. Trop souvent ces sortes d’ouvrages ne nous apparaissent que flanqués d’un texte indéchiffrable, si ce n’est pour un petit nombre d’initiés, et avec un entourage de notes philologiques, de citations et de lourds commentaires qui les rendent inabordables. Le public, qui lirait volontiers un conte ou un poème de vingt pages ; n’ouvre pas un dictionnaire in-quarto. Aussi ne connaît-il guère les littératures asiatiques que par les imitations qui en ont été faites. Le traducteur de Haïdari s’est donc abstenu avec raison de tout étalage scientifique. De plus, il a allégé le texte français de ce luxe d’épithètes et de métaphores qui caractérise le style des Orientaux, et rend parfois fatigante la lecture de leurs meilleurs ouvrages. Ici une juste mesure était nécessaire et a été observée. Le public doit savoir gré au traducteur d’une tentative quelque peu audacieuse et qui pourrait aisément être taxée d’hérésie dans le monde de la science, car cette hardiesse met entre nos mains un monument curieux de la littérature moderne des Hindous. Haïdari vivait au commencement de ce siècle. Il a écrit de nombreux ouvrages d’histoire, des romans et des poésies. Les séances furent composées en 1811. L’auteur les intitula : la Rose du Pardon ; car, dans les idées des musulmans, elles octroient à ceux qui les lisent un gage de propitiation devant Dieu au jour du jugement. On y trouve plusieurs morceaux d’un lyrisme remarquable et quelques élégies d’un tour harmonieux et vrai. Celle que chante, à la fin de la huitième séance, l’épouse de Cacim, le récit de la mort d’Abbas-Ali dans la neuvième, le Marcya de Miskin, traduit par M. Garcin de Tassy et ajouté à la fin des séances, pourraient sans désavantage être comparés aux ballades et aux légendes les plus poétiques du moyen-âge. Du reste, c’est à la fois un poème et une histoire ; le livre de Haïdari a une double valeur littéraire et historique, et fournit, à ce dernier point de vue, des renseignemens que le traducteur a complétés par une introduction intéressante et détaillée.


HISTOIRE DU COMTE ET DE LA VICOMTE DE CARCASSONNE, par M. CROS-MAYREVIEILLE[1]. — Si l’histoire nationale doit comprendre le récit de tous les événemens qui se sont passés sur le territoire continental qui porte aujourd’hui le nom de France, nous croyons qu’elle présente encore de nombreuses lacunes. Lorsqu’un homme de conscience et de talent arrive après plusieurs années d’études et porte sa pierre au grand monument historique qui sera un jour élevé à la gloire de notre patrie, il faut applaudir à ses patientes veilles.

M. Cros-Mayrevieille ouvre son livre par un aperçu sur la tribu volke de Carcassonne et prouve en passant que la division en Volkes arécomikes et en Volkes

  1. Chez J.-B. Dumoulin, quai des Augustins, 13 ; 1 vol. in-8.