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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/983

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à lui seul revenait de plein droit l’honneur de la découverte, mort-née entre les mains de Young, si pleine de sève et de vie entre les mains de Champollion.

Je viens de le dire, à partir de ce moment, les vérités que notre illustre égyptologue faisait jaillir à chaque pas dans la brillante carrière qu’il s’était ouverte se succédaient avec une incroyable rapidité, et les faits anciennement connus, je veux dire ceux que révélait le précieux passage de saint Clément d’Alexandrie, se vérifiaient de la manière la plus admirable. Dès l’abord, Champollion entrevit l’origine de ce phonétisme si précieux, et il put se rendre compte, en un très grand nombre de cas, de la valeur que certains signes devaient comporter, à l’exclusion de toute autre valeur. Ce principe de détermination des signes, principe dont la trace d’ailleurs était indiquée par le passage de saint Clément d’Alexandrie, consiste à prendre le nom égyptien ou copte de l’objet ou de l’être représenté, et à donner à cet objet la valeur de l’articulation initiale de son nom, de la même manière qu’en français on pourrait représenter l’M par une main, le T par une tête, l’E par une épée, etc., si l’écriture image de la langue française devait, par une convention quelconque, être transformée en une écriture hiéroglyphique.

Le Précis du système hiéroglyphique des Égyptiens suivit de près l’apparition de la lettre à M. Dacier. Pour quiconque voulut bien se décider à étudier avec bonne foi ce livre intéressant, la question fut jugée sans appel. Champollion avait lu et parfaitement lu.

D’éclatantes adhésions vinrent bientôt sanctionner cette inappréciable découverte. Le premier en France, M. Letronne, dans son cours public d’archéologie, s’empressa de tirer des écrits de Champollion des faits historiques qu’il sut mettre en œuvre avec sa sagacité habituelle. Dans l’auditoire nombreux et intelligent qui suivait assidument ces doctes leçons, il ne se trouva que bien peu d’hommes qui se refusèrent obstinément à recevoir la lumière inespérée qui leur était offerte ; mais leur résistance, qui dure encore, n’a réussi qu’à démontrer une fois de plus que n’est pas un Galilée qui veut. De son côté, Guillaume de Humboldt, qu’il faut toujours citer en première ligne quand on parle de philologie, Humboldt n’hésita pas à se livrer à l’étude d’une question qui lui semblait du plus haut intérêt, et il s’empressa de proclamer que sa conviction était profonde. Enfin Salt, qui était parti pour l’Égypte, dans le dessein d’y chercher des matériaux à l’aide desquels il pût combattre les idées de Champollion, Salt, aux premiers pas qu’il fit sur les bords du Nil, reconnut que combattre n’était plus possible, et il se déclara sur-le-champ le défenseur de la méthode de lecture contre laquelle il avait voulu s’élever.

Toutes les fois que deux hommes appartenant à deux nations rivales ont long-temps poursuivi, et avec une égale persévérance, l’étude d’un