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anciens, les habitations des premiers saints de l’Irlande, notamment de saint Finan Cam et de saint Fechin, l’établissement monastique d’Ardoilen, sur la côte de Connamara, qui prouve avec tant d’évidence l’influence de l’Orient sur les anachorètes et les moines de l’Irlande, et de nombreuses gravures, faites avec le plus grand soin, apportent une nouvelle clarté à des descriptions déjà parfaitement claires. Cet ouvrage doit avoir un second volume, où nous espérons que le savant archéologue ne s’occupera pas exclusivement de l’architecture religieuse ; il serait à souhaiter qu’il appliquât aussi ses études à ces châteaux de verre, glass-castles, qui existent également en Bretagne, et viennent de recevoir un nouvel intérêt des fouilles dont les résultats ont été communiqués à l’Académie des Inscriptions. On connaissait depuis long-temps une ruine située à Lévan, dans le département des Côtes-du-Nord, qui est recouverte, comme les châteaux dont nous venons de parler, d’un enduit de matière vitrifiée, brillant au soleil et d’une dureté remarquable ; mais on n’en savait rien de plus, lorsque, dans un voyage qui lui avait permis d’en apprécier toute l’importance, M. Lenormant a obtenu de l’administration que l’on y fît des fouilles. Cette antiquité est connue dans le pays sous le nom de camp romain et de pierres brûlées. A sa forme elliptique, un peu allongée, il est certain que ce n’est pas un camp romain, et les cendres qu’on y a découvertes prouvent que la seconde dénomination est beaucoup mieux justifiée. La première question qui se présente est de savoir si la calcination dont on voit les traces fut un sinistre accidentel ou un procédé employé volontairement pour rendre le monument plus solide, et malheureusement les données ne nous semblent pas encore suffisantes. Cependant on a cru reconnaître que les pierres dures avaient été placées à quelque distance les unes des autres et recouvertes de schistes qui, en se vitrifiant, avaient rempli les intervalles et formé une seule masse compacte de toute la maçonnerie. Quoi qu’il en soit, un procédé si singulier aurait besoin de preuves plus positives, et, avant de rien conclure, il faudrait déblayer une assez grande partie de l’enceinte pour s’assurer si la vitrification a eu lieu partout d’une façon uniforme, et si les pierres avaient été réellement choisies et disposées systématiquement de manière à être liées par l’action du feu. Les autres questions qui se rattachent à ce curieux monument ne pourraient être résolues qu’à l’aide de découvertes fortuites, et, malgré l’habileté qui a présidé aux fouilles, jusqu’ici le hasard ne les a pas heureusement servies. On n’a trouvé qu’un fragment de vase en terre cuite, de nombreux morceaux de brique qui ne semblent pas de fabrication romaine, et une médaille fort commune de Germanicus, que l’existence d’une voie antique dans le voisinage empêche de regarder comme une indication importante. Il serait donc bien à désirer que M. Petrie recherchât en Irlande toutes les données de cette obscure question avec la patience érudite et consciencieuse dont il vient de donner d’honorables preuves

E. D. M.

V. de Mars.