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Il n’y avait pas alors de ministre spécial pour l’ensemble des relations extérieures : la diplomatie politique était confiée à des hommes d’une expérience consommée, d’une autorité généralement reconnue, comme Pomponne ou Lionne ; les traités de commerce et les consulats rentraient dans les fonctions de Colbert, qui correspondait directement avec les ambassadeurs. Les occupations les plus importantes du ministère de l’intérieur, c’est-à-dire la police générale du royaume, les postes, et les rapports avec les intendans et les magistrats civils des provinces, regardaient également l’homme infatigable. Il exerçait en outre, d’une manière directe, le gouvernement, c’est-à-dire l’intendance provinciale de Paris, de l’Ile-de-France et de l’Orléanais. Le ministère de la guerre proprement dit appartenait à Louvois, mais ce département avait alors moins d’étendue qu’aujourd’hui ; on en détachait presque toute la comptabilité : l’entretien des fortifications, la solde des troupes, les vivres, les étapes, l’entretien de l’artillerie, les poudres et salpêtres, en ce qui concerne la partie financière de ces services, revenaient de droit au contrôleur de la fortune nationale. Ce qui forme aujourd’hui le ministère des travaux publics rentrait alors dans la surintendance des bâtimens, l’une des charges de Colbert. La construction des palais royaux et des édifices publics, des routes, des ponts, des canaux, des arsenaux, des ports de mer, était dirigée par lui avec un zèle qui transformait parfois l’administrateur en artiste. L’agriculture, le commerce et l’industrie étaient la préoccupation capitale de Colbert, et sur ce terrain il était roi absolu. Toutefois le service qui lui demanda le plus de temps et d’application fut celui de la marine et des colonies, dont il surveillait jusqu’aux détails les plus minutieux. De compte fait, à l’exception de la diplomatie purement politique, de la direction militaire des armées, de la chancellerie et de l’université, toutes les affaires qui sont aujourd’hui réparties entre neuf portefeuilles revenaient à Colbert. On dira que l’administration au XVIIe siècle était moins compliquée, moins avancée qu’aujourd’hui. Sans doute elle était moins formaliste, moins paperassière : était-elle en réalité moins active ? Je n’ose prononcer. Quoi qu’il en soit, la tâche assumée par Colbert est effrayante à nos yeux. Pour y suffire, il fallut, non-seulement le zèle uni à l’ampleur de l’intelligence, non-seulement l’amour passionné du bien public : il fallut surtout une puissance de volonté, une solidité d’organisation vraiment phénoménales. Cette fureur de travail n’est pas toujours nécessaire pour faire un homme d’état. On peut heureusement devenir un bon ministre sans être un Hercule.

Dans l’immense courant des affaires. confiées à Colbert, trois ordres de faits sont à distinguer : les finances, le commerce et la marine. Le déplorable état dans lequel le successeur de Fouquet trouva la France effraie l’imagination. Le brigandage de tous les hommes qui participaient