Grande-Bretagne. Entre autres griefs avoués ou secrets, ce parti se voit, non sans dépit, exclu de tous les emplois de la colonie. Au troisième rang figurent les Canadiens français, dont les dispositions hostiles ont sans doute survécu à la dernière révolte; ils ont vu leur pouvoir local affaibli par l’union des deux législatures, et doivent lutter jusqu’au bout pour obtenir l’annulation de cette mesure. Viennent enfin les Anglais du Canada inférieur, qui ont acquis au contraire, depuis les derniers événeniens, une véritable importance parlementaire, et qui, s’ils étaient plus nombreux, contre-balanceraient l’influence du parti français. Ces quatre factions se rencontrent sur un terrain commun, l’ambition des emplois publics, même des moins rétribués, ambition à laquelle sont fréquemment sacrifiés les opinions les plus véhémentes, les préjugés les plus intraitables. Il ne faut pas chercher ailleurs que dans cette disposition, partout fatale aux principes politiques, le secret de la domination parlementaire que l’Angleterre, à cette heure, exerce dans ses colonies nord-américaines, et qu’elle ne peut espérer de conserver long-temps après que le progrès de la richesse et l’accroissement des populations auront affaibli ce triste moyen d’influence.
Québec, où il faut bien revenir après cette longue et sérieuse digression, doit à l’extrême variabilité du climat une double physionomie, très originale et très marquée. En été, c’est Venise; en hiver, Saint-Pétersbourg. La ville haute est le séjour des riches et des oisifs. A leurs pieds se pressent les quartiers marchands, les banques, les entrepôts, les auberges, les tavernes. Dans les faubourgs, bâtis en bois, on trouve la plus grande partie des habitans français. Tout cela forme un ensemble de quarante mille âmes, augmenté de quinze mille ames depuis quinze ans. Le culte catholique a sa cathédrale et quatre églises; la religion anglicane est tout aussi bien partagée. Les presbytériens et les wesleyens ont quatre temples, deux pour chaque secte. De tous côtés, la place forte, la cité militaire se révèle. Outre la citadelle, on ne compte pas moins de trois casernes, et, dès la tombée du jour, les qui vive ! poussés par de nombreux factionnaires font tressaillir, à chaque coin de rue, le passant distrait. Véritablement, personne ne se croit obligé d’y retendre, et la consigne indulgente tolère ce manque de respect aux représentans de la force publique. On ne rencontre guère de mendians dans ce pays, où les bras manquent à la terre; l’homme est cher, le pain bon marché. Les couvens, d’ailleurs, et les institutions de charité, multiplient à l’envi les secours dont les vieillards, les malades, les enfans orphelins, peuvent avoir besoin.
Entre la race française et les Anglo-Saxons, on ne remarque pas de rapprochement significatif : à peine quelques mariages entre jeunes gens de la classe aisée; chez les pauvres gens, le préjugé national subsiste dans toute sa force. «Les deux races ne se mêlent point, dit notre