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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/1035

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nature, coupant successivement plusieurs séries de couches superposées, s’y présentent diversement, riches dans l’une, pauvres dans la suivante[1] ; mais ici la variation est extrême de l’abondance à la stérilité. Ainsi, dans la vallée de Copiapo, on observe au sommet des montagnes métallifères, sur le plateau qui les couronne, un premier massif de couches calcaires et marneuses appartenant à ce vaste ensemble de formations que les géologues appellent secondaires. Les mineurs du pays le désignent sous le nom de manto (couche) proprement dit. Dans cette première épaisseur, les filons contiennent de l’argent ; la roche elle-même en est pénétrée par mille fentes. En dessous est une autre épaisseur assez considérable appelée mesa piedra, qui est réputée entièrement stérile ; ce sont encore des couches marneuses et calcaires, mais d’un aspect différent. Sous la mesa piedra, on rencontre un autre étage, d’environ 120 mètres de haut, qui est le plus productif : c’est un calcaire très argileux, compact. L’étage inférieur à celui-ci offre des roches plus argileuses encore et plus dures ; il est stérile, et paraît reposer sur une masse de porphyre mal reconnue encore, mais où l’on pense qu’il ne faut plus rien chercher. Si ce caractère se reproduisait partout au Chili, si les gîtes y étaient ainsi bornés, il faudrait en conclure que les mines d’argent de ce pays pourront avoir une heureuse influence sur la prospérité locale, mais qu’il ne leur sera pas donné d’exercer sur la masse d’argent en circulation dans le monde un effet qui ressemble en rien à celui des mines du Mexique et du Pérou.

Les filons d’argent les plus remarquables du Chili, ceux sur lesquels les efforts sont concentrés en ce moment, se rencontrent à la séparation des terrains déposés par les eaux et par conséquent stratifiés et des terrains granitiques qui, après que ceux-ci avaient été formés, ont percé la croûte de la planète, et, par leur soulèvement, ont donné naissance aux chaînes de montagnes, et porté à de grandes hauteurs des couches originairement submergées[2]. C’est en suivant la ligne de contact des roches soulevantes et des roches soulevées qu’on observe les plus sûrs indices des gisemens d’argent. En dessous de cette ligne de séparation, il existe dans les granités, qui de là vont jusqu’à la mer, des filons d’or et de cuivre ; en dessus, c’est-à-dire en marchant vers

  1. Dans plusieurs des mines mexicaines, on observe que les mêmes filons argentifères se comportent diversement, selon les roches qu’ils traversent ; pourtant la variation n’y est pas extrême. A Tasco, la plus grande richesse est dans les schistes argileux ; à Guadalupe y Calvo, au contraire, c’est la roche où le filon est le plus pauvre.
  2. On sait que l’existence des richesses minérales, au contact des terrains granitiques ou des autres roches de soulèvement avec les formations stratifiées, au lieu d’être un accident particulier au Chili, est au contraire une des lois les mieux constatées par la science géologique ; mais ici la ligne de contact est plus apparente qu’ailleurs.