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ces termes, le problème nous paraît devoir être ainsi formulé : Une étendue territoriale étant donnée, et les meilleures conditions économiques étant acquises, quels résultats peut-on espérer d’une intelligente exploitation ?

Nous avons cherché les élémens de la solution dans les écrits les plus importans publiés sur l’Algérie, dans les documens officiels, les observations et les débats de la presse locale[1]. Une mention particulière est due au livre de M. Moll, professeur d’agriculture au Conservatoire des Arts et Métiers. Le cadre de cet ouvrage réunit un plan de colonisation et un cours d’agriculture coloniale résumant toutes les notions acquises jusqu’à ce jour. Nous nous réservons d’exposer les idées administratives de M. Moll dans une prochaine étude consacrée à l’analyse des systèmes proposés pour l’affermissement de la puissance française en Afrique. C’est l’agronome seulement que nous interrogerons aujourd’hui, et il nous eût été difficile de trouver un guide plus sûr et mieux accrédité. Déjà familiarisé, par une longue pratique en Corse, avec le genre de culture approprié aux climats méridionaux, un séjour de trois mois a pu lui suffire pour visiter les localités exploitables et pour recueillir les renseignemens des agens de l’autorité, des colons ou même des indigènes. Il n’est pas à craindre que M. Moll se laisse aller à l’illusion quand il évalue les ressources de notre colonie. Il ne dissimnule pas que la mise en culture du sol africain est, à ses yeux, une opération chanceuse, et que la métropole eût fait un placement beaucoup plus raisonnable en appliquant à l’amélioration de son territoire l’argent qu’elle prodigue pour utiliser sa conquête. Une crainte qui le préoccupe évidemment, bien qu’il ne l’exprime pas, est celle de susciter à notre chétive agriculture une concurrence dangereuse pour beaucoup de produits. Reconnaissant d’ailleurs que l’acquisition de l’Algérie est un fait irrévocable, il n’hésite pas à déclarer qu’on arrivera à compenser les charges de la conquête par la mise en valeur du nouveau domaine à l’appui de cette conviction, un tableau complet des cultures, l’analyse des procédés et des ressources de chaque opération rurale, composent un livre qui, indépendamment de son utilité pratique, est un des plus instructifs que l’on puisse lire sur l’état de notre colonie.

Commençons par constater un heureux privilège que possède l’Algérie. Elle n’excite pas en Europe ces terreurs bien ou mal fondées qui paralysent ordinairement les projets de colonisation. Placée dans cette zone intermédiaire qui nuit les pays tempérés aux régions intertropicales, son climat est celui des contrées qu’on a regardées de tout temps comme les plus favorisées de la terre. Sa température est celle de l’Andalousie, des Canaries, des états méridionaux de l’Union américaine, des plus

  1. Les études sur l’agriculture occupe une place importante dans le Moniteur algérien.