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100 à l’étranger : on traita néanmoins, dans diverses contrées de l’Europe, pour 34,000 chevaux moyennant 24 à 25 millions ; mais la plupart des gouvernemens mirent obstacle à l’exécution de ces marchés, de sorte que, déduction faite des bêtes trop jeunes ou trop vieilles, qui figurent fort bien sur les états militaires, mais qui sont impuissantes sur un champ de bataille, la France resta avec 14,500 chevaux, en présence d’une coalition qui aurait pu réunir 120,000 cavaliers bien montés !

Doit-on compter sur l’Algérie pour la remonte de la cavalerie française ? Il y a dissentiment sur ce point parmi les hommes spéciaux. A voir ces chevaux de taille exiguë, d’une apparence chétive et disgracieuse pour nos yeux accoutumés à l’ampleur et à la rotondité des formes, l’observateur superficiel déclare que la race arabe est dégénérée telle a été la première impression de la plupart de nos officiers. Cependant ces nobles animaux n’ont rien à perdre à l’examen dogmatique du savant. M. Mon retrouve en eux toutes les conditions anatomiques de la force de l’élan et de la souplesse. C’est en un jour d’action qu’il faut Juger le cheval arabe. Soit que le guerrier le lance pour l’attaque, soit que le fuyard lui confie son existence, on retrouve aussitôt le type auquel les peintres nous ont accoutumés. Comme tous les êtres intelligens, chez lui la passion devient beauté. Les obstacles semblent l’animer : il n’a jamais l’œil plus vigilant et le pied plus ferme qu’à travers les broussailles et les torrens, que sur les pentes glissantes des montagnes. Sobre, infatigable, résigné, il ne se refuse jamais à son maître. Plusieurs causes ont contribué à cette dégénérescence apparente de la race africaine. Si les Arabes ont pour leurs coursiers l’amour qu’on leur attribue, ils ne le manifestent que par une excessive sévérité. A l’âge d’un an, le poulain est livré aux enfans, qui, sous prétexte de s’exercer à l’équitation, font du pauvre animal leur victime. A quatre ans, s’il n’est pas déjà ruiné, de rudes cavaliers le soumettent à des exercices violens. On estime qu’à sept ans il a acquis toutes ses facultés. L’Arabe alors passera des heures à contempler son coursier dans une sorte d’extase : il lui parlera sur le ton de l’exaltation poétique, ce qui ne l’empêchera pas, à la première marche, de lui labourer les flancs avec ses longs éperons, de les entamer sans pitié avec ses étriers tranchans, de lui briser la bouche avec un mors dont l’effet est terrible. En Orient, on conserve pieusement les généalogies chevalines, mais on a négligé de recueillir les observations à l’aide desquelles s’est constitué l’art du vétérinaire. En fait de remèdes pour les animaux domestiques, on ne connaît que les amulettes et la cautérisation : ce dernier moyen étant appliqué dans toutes les circonstances, il est rare de voir un cheval qui ne soit pas dégradé par les traces du feu. Une autre cause a contribué beaucoup à