sur lequel il donne quelques détails qui ne sont pas sans intérêt. Nous regrettons seulement que M. Raczynski ait mis aussi peu d’ordre dans l’arrangement des notes qu’il a publiées. Les faits de même nature se trouvent dispersés çà et là, et il est fort difficile de les retrouver. De plus, il y a dans certaines lettres des assertions hasardées ou même fausses qu’il a tenu à y conserver, tout en prévenant qu’il les rectifierait plus loin. Cette confusion rend fort pénible la lecture de son livre, et c’est là un reproche sérieux que nous ne pouvons nous empêcher de lui adresser.
— THE BILIAD, OR HOW TO CRITICIZE, par M. Hughes[1]. — C’est le coup de boutoir d’un poète irritable dont les critiques avaient d’abord caressé, dont ils froissent aujourd’hui l’orgueil. Comme le cerf traqué par une vile meute, le superbe écrivain se retourne, lui fait tête, et distribue aux limiers les plus ardens quelques coups de plume qu’il voudrait rendre mortels. Ces révoltes de l’amour-propre poétique n’ont jamais fait peur à personne, et, pour ce qui nous concerne, elles nous trouveront toujours fort enclins à y applaudir, quand la vengeance du poète sera éloquente, passionnée, spirituelle ; mais la Biliade, hélas ! ne rappelle que par le titre les épigrammes de Pope et de Gifford ou la véhémente imprécation de lord Byron. Ce dernier disait de la Revue d’Édimbourg : « Il faudrait un Hercule pour écraser cette hydre. » Quand on s’en prend à l’Athenaeum (désigné dans la satire de M. Hughes sous le nom d’Atrabilarian) et à M. Dilk, son rédacteur en chef (le poète n’a changé que la première lettre de ce nom) ; quand on répond aux boutades improvisées du Morning Post, il n’est pas besoin de tant de vigueur, mais au moins faudrait-il manier avec une certaine milité le fouet iambique, et ne pas s’exposer sur place à de terribles représailles. Or, M. Hughes, qui relève avec fureur chez ses antagonistes les plus légères fautes d’orthographe commises dans des noms italiens ou portugais, nous a laissé voir en quoi consiste sa connaissance des idiomes étrangers, quand il s’est permis, entre autres facéties de mauvais goût, un distique français contre les repealers, ses compatriotes. Voici, dans toute sa gloire, cette grossière épigramme :
Avec un bruit de guerre un tambour est si bel,
Et c’est aux fanfarons de battre le rappel.
Plus loin nous trouvons O’Connell insulté dans un langage soi-disant homérique : — O le plus philocteané des démagogues, tempête polyphloisbée des tourbières, brailleur hibernoloïme et brotologue ! aboyeur hécatonglotte et arrectophone ! — » Ces invectives pédantes ne sont de mise dans aucune langue, si ce n’est peut-être dans celle qu’on parle à Billingsgate, et c’est là justement que M. Hughes renvoie brutalement les journalistes assez malheureux pour avoir relevé quelques fautes de prosodie dans son poème sur Madère (The Ocean Flower).
Ce qu’il leur reproche en vers assez plats est d’étaler un savoir d’emprunt, de dénigrer autrui pour établir leur supériorité, de juger à tort et à travers suivant qu’ils ont dîné bien ou mal, de se laisser attendrir par des offrandes gastronomiques, d’être indulgens pour les inconnus, implacables pour leurs confrères en littérature.
- ↑ Londres, 1846.