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vivent à ses dépens, ou que leur insignifiance dérobe à ses poursuites. Ici comme partout, le chien, le chat, habitent sa demeure, où trouvent également un abri le rat et la souris. Le bœuf, le cheval et l’âne l’aident dans ses travaux. Il n’y a guère d’autres mammifères. Quelques becs-fins, quelques petits oiseaux mangeurs de graines, voltigent dans les champs et dans les bosquets d’orangers, tandis que de magnifiques faucons, autrefois très recherchés pour la vénerie, planent sans cesse autour de rochers inaccessibles. Des lézards, des scinques, des couleuvres noires, représentent la classe des reptiles et se cachent sous les pierres du rivage. Des insectes bourdonnent dans les haies ou rampent au pied des buissons ; mais leurs espèces sont peu nombreuses, et M. Blanchard eut bientôt réuni dans ses boîtes de nombreux représentans de chacune d’elles.

Si l’air et la terre se montraient ainsi pauvres en animaux dignes d’intérêt, la mer nous offrait d’amples compensations. Sous ce rapport, Favignana avait répondu à toutes nos espérances ; mais aussi jamais côtes ne furent mieux disposées pour les zoologistes. Sur plusieurs points de l’île, les deux roches dont nous avons parlé se joignaient à quelques pouces au-dessous du niveau de la mer, et celle-ci, usant le calcaire de Palerme, mettait à nu la pierre compacte dont les inégalités formaient autant de chambres, de petits bassins qu’on eût dit creusés de main d’homme. Ailleurs, la vague, pénétrant entre deux massifs trop durs pour être entamés, s’ouvrait un passage dans les terres et creusait des espèces de grottes, tantôt protégées par une voûte, tantôt à découvert. Plusieurs de ces cavités nous présentèrent en petit le phénomène si connu de la grotte de Capri. Lorsque notre barque placée à l’ouverture interceptait les rayons directs, ceux-ci passaient sous sa quille, se brisaient dans le cristal liquide qui faisait l’effet d’un prisme et teignaient du plus bel azur les rochers et l’écume des vagues.

Nous retrouvions à Favignana presque tous les animaux que nous regrettions d’avoir perdus de vue depuis notre départ de la Torre. Seulement les méduses et genres voisins, entraînés sans doute ailleurs par les courans, étaient ici beaucoup plus rares, et nous ne rencontrâmes guère que quelques alcinoés, quelques grands héroïdes et un nombre infini de pélasgies. En revanche, les chambres, les bassins que je viens de décrire étaient riches en espèces côtières. Les annélides surtout présentaient de nombreuses variétés. C’est à Favignana que M. Edwards trouva sa myriane portant un chapelet de six individus réunis bout à bout, de telle sorte que le dernier de tous n’avait pour nourriture que des alimens digérés déjà par la mère et par ses cinq frères ou sœurs. Ce fut aussi dans cette station que ce naturaliste commença sur le développement des annélides un travail dont nous parlerons plus tard. M. Blanchard continuait ses recherches sur le système nerveux des