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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/296

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et qu’on peut résumer en ces termes : le perfectionnement successif des organismes, observé dans l’ensemble du règne animal, tient à la division de plus en plus complète du travail fonctionnel.

Une étude sérieuse de la circulation, envisagée dans son ensemble, est très propre à démontrer tout ce que ce principe renferme de fécond, combien il se prête à la coordination de faits qui, au premier abord, peuvent paraître disparates, et quelquefois même opposés les uns aux autres. Cette fonction s’exécute, on le sait, chez les animaux supérieurs, à l’aide d’un appareil très compliqué, dont les principales parties ont reçu le nom de cœur, d’artères, de veines, de vaisseaux lymphatiques et chylifères. Le cœur envoie par les artères, vers toutes les parties du corps, le sang, qui lui revient par les veines. Les vaisseaux lymphatiques amènent à ce centre circulatoire la lymphe, liquide transparent, qui exsude, pour ainsi dire, de tous les organes. Les vaisseaux chylifères transportent au même endroit le chyle, produit immédiat de l’absorption digestive. Ces liquides divers, emprisonnés dans de véritables tubes, suivent avec une admirable régularité ; pendant toute la vie de l’animal, une voie invariablement déterminée. Il n’en est pas de même chez les êtres inférieurs. Ici, comme l’hydre vient de nous en montrer un exemple, la circulation est souvent confondue avec les autres fonctions de nutrition. Or, on comprend qu’entre ces deux extrêmes il doit exister de nombreux intermédiaires.

La classe des polypes elle-même nous offre déjà quelques perfectionnemens. Ouvrons un de ces animaux qui, réunis par centaines sur une sorte de tige commune dont ils représentent les fleurs, produisent le corail. Chez eux, la bouche est suivie d’une sorte de manchon suspendu dans la cavité du corps, et constituant un véritable estomac où pénètrent les alimens. Lorsque ceux-ci ont été suffisamment digérés, l’animal rejette par la bouche les résidus les plus grossiers, et, ouvrant un orifice placé à l’autre extrémité du manchon, il ne laisse pénétrer dans l’intérieur que les parties propres à subvenir à son entretien. Puis de cette cavité, appartenant à chaque animal, partent des canaux qui se prolongent dans la partie commune du polypier, communiquent avec des canaux semblables venant de tous les autres polypes, et, grace à cette disposition, la colonie entière profite de la nourriture prise séparément par chaque individu.

Quelque chose de semblable existe chez certaines méduses. Il en est d’autres où le travail fonctionnel commence à se caractériser davantage. Ces animaux ressemblent à une cloche renversée[1]. A l’endroit qu’occuperait le battant est placée la bouche servant d’entrée à l’estomac.

  1. Voyez Souvenirs d’un Naturaliste, Côtes de Sicile, dans la Revue des Deux Mondes du 15 février 1846.