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modificatrice de l’air dans les poumons ou les branchies, et il arrive dans ces organes mêlé au sang veineux. Or, chez les mollusques dont nous parlons, il n’existe pas de branchies comparables à celles des autres animaux de la même classe. Les petites baguettes si richement colorées qui couvrent leur dos sont destinées à en tenir lieu. C’est précisément dans l’intérieur de ces baguettes qu’arrivent les prolongemens de l’estomac, et par conséquent le chyle, au sortir de l’intestin, se trouvant au milieu même de l’appareil respiratoire, ne peut manquer d’éprouver immédiatement l’influence vivifiante dont il a besoin. Tels sont les faits qui m’ont conduit à cette théorie du phlébentérisme, qui, violemment attaquée par quelques naturalistes français, n’en a pas moins reçu à l’étranger un accueil beaucoup plus cordial. Dans l’examen détaillé du groupe remarquable qui les présente, j’ai dû nécessairement commettre des erreurs ; mais il m’est permis d’espérer que le temps et de nouvelles recherches confirmeront de plus en plus ce qu’il y a d’essentiel et de général dans les résultats que j’ai fait connaître.

Au point de vue qui nous occupe, la classe des mollusques est d’ailleurs extrêmement remarquable. Sans sortir de ses limites, nous voyons la circulation s’y montrer à des degrés de complication les plus divers, et cela dans des animaux souvent très rapprochés l’un de l’autre, et dont a priori on aurait pu croire l’organisation presque identique. Toujours cependant le cercle circulatoire demeure incomplet. Entre les veines et les artères, il n’y a jamais continuité parfaite. Par conséquent, le sang chassé par le cœur ne peut revenir qu’après s’être épanché dans les espaces interorganiques ou lacunes ; par conséquent aussi, il remplit la cavité générale du corps. Là, il baigne directement la plupart des viscères, et reçoit sans intermédiaires les principes nutritifs élaborés par le canal alimentaire. Dès-lors, on comprend que, si dans les mollusques les plus élevés on doit admettre l’existence d’un sang veineux et d’un sang artériel, on ne peut encore y distinguer ni lymphe ni chyle.

Les articulés se prêtent à des observations toutes pareilles. Plusieurs faits recueillis chez ces animaux étaient même depuis long-temps dans la science, et précisément parce qu’on n’avait pas saisi les relations qui les rattachent à ce qui existe dans d’autres groupes, on y voyait autant d’exceptions étranges et caractéristiques. Ainsi, depuis les travaux de MM. Audouin et Milne Edwards couronnés par l’Institut en 1827, on regardait l’absence de veines coïncidans avec la présence d’un cœur et d’un système artériel comme exclusivement propre aux homards, aux crabes et aux autres animaux de la classe des crustacés. La manque de tout organe circulatoire était, croyait-on, réservé aux insectes et à une portion des arachnides. On se rendait compte de ce fait si frappant dans