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de la maison. Le passage d’Old-China-street n’est recouvert d’aucune toiture. Seulement on remarque, de distance en distance, des planches jetées d’une habitation à l’autre, sur lesquelles se postent les gardes de nuit.

La factorerie française, assemblage d’édifices insignifians, principalement habités par des Parsis, sépare Old-China-street d’un passage exactement semblable et parallèle, nommé New-China-street. Les boutiques de ce passage sont plus élégantes et paraissent mieux fournies que celles d’Old-China-street. Plus loin, se trouve le Danish-hong (factorerie danoise), qui ne diffère pas du French-hong. Comme dans cette dernière factorerie, on y remarque des balcons ornés de vases de fleurs et joignant certaines maisons au mur qui leur fait face, car il n’y a qu’un côté du passage habité. En redescendant vers le French-hong, et en suivant un passage qui s’ouvre vis-à-vis de cet établissement, on arrive à l’hôtel Vincent, le seul hôtel où les étrangers puissent descendre à Canton. Cet hôtel s’élève près d’une cale où stationnent des embarcations de toute grandeur. C’est là que se termine le quartier des factoreries. Il est compris dans les faubourgs de Canton, qui couvrent une vaste étendue de terrain, à l’ouest de la cité chinoise, où nous allons enfin pénétrer.


II.

Canton, que les Chinois appellent communément Sang-chien, est le chef-lieu de la province du Kouang toung, dont la superficie est à peu près égale à la moitié de celle de la France. La ville est située dans le département de Kouang-tchaou-fou, qui comprend quinze districts. La moitié occidentale de Canton appartient au district de Nanhaï, et la partie orientale au district de Pouan-yu. Cette division des grandes villes chinoises en plusieurs districts est un fait presque général.

Une enceinte à peu près carrée entoure la ville, divisée par un autre mur parallèle au fleuve en deux parties inégales. La plus grande, qui s’étend vers le nord, se nomme la vieille ville, la ville tartare ; elle est restée jusqu’à ce jour fermée aux étrangers[1]. L’autre forme la cité nouvelle, la ville chinoise ; les étrangers y pénètrent sans difficulté, bien qu’ils n’y soient pas vus de très bon œil. Les portes du grand mur d’enceinte sont au nombre de douze ; quatre autres, pratiquées dans le mur intérieur, mènent de la cité tartare dans la cité nouvelle.

Canton est traversé par plusieurs canaux[2] qui donnent une physionomie étrange à certains quartiers. On remarque celui qui traverse le quartier des Teinturiers. De longues pièces de tissus, teintes pour la plupart en bleu d’indigo, flottent au faîte des maisons qui le bordent. Les eaux du canal sont presque toujours troubles, et les rues qui l’avoisinent d’une saleté extrême. Les nombreuses tanneries que ce quartier renferme répandent les miasmes les plus fétides. L’apparition d’une figure étrangère y fait événement, et l’on ne tarde pas à être entouré d’une foule de malheureux qui vous examinent d’un air ébahi.

  1. Il paraît qu’un édit récent de l’empereur en a enfin ordonné l’ouverture.
  2. Pendant les grandes marées, certaines rues deviennent elles-mêmes des canaux dans les quartiers de Canton qui avoisinent la rivière, et qui sont construits sur pilotis. La factorerie française est fort souvent inondée. On fut obligé, il y a douze ans, d’établir un service de bateaux dans les rues du quartier européen.