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dans ce dernier cas, leur commission leur est payée par le vendeur chinois.

Les hanistes, qui étaient jadis les courtiers de tout le commerce extérieur et les cautions du paiement des droits de douane aussi bien que des dettes contractées par les Chinois envers les étrangers ; les hanistes ont vu leur monopole aboli par le traité de Nankin. A l’époque où fut conclu ce traité, ils étaient au nombre de dix. Leur doyen était le respectable Hou-koua, qui paya, à lui seul, quatre millions et demi pour la rançon de Canton. Cinq de ces anciens hanistes se livrent encore aujourd’hui au commerce. Ils ont conservé, grace à leur haute expérience et à leur grande fortune, une influence considérable, et sont toujours employés comme intermédiaires dans beaucoup d’opérations. Cependant les outside merchants (marchands qui, n’étant point patentés avant le traité de Nankin, jouissent maintenant de l’abolition du privilège) voient chaque jour s’étendre leurs relations. On peut dire qu’aujourd’hui les deux tiers des affaires des étrangers se traitent à Canton directement avec eux. Presque toutes les grandes transactions commerciales se soldent en échanges de marchandises.

On assure que le gouvernement chinois exerce encore aujourd’hui une action secrète sur le commerce de Canton par le moyen des anciens hanistes. On ajoute que, lors du premier paiement de l’indemnité stipulée par le traité de Nankin, les hanistes, ayant été convoqués par un haut fonctionnaire et informés de la forte contribution dont leur corps était frappé, firent immédiatement baisser les prix des marchandises importées par les étrangers et hausser ceux des articles d’exportation chinois, en annonçant aux marchands cantonais qu’il leur était défendu, sous peine de mort, de dépasser les limites des prix établis. Il en résulta que ce furent en définitive les commerçans anglais, et non pas les Chinois, qui payèrent les frais de la guerre et l’indemnité pour l’opium. Un tel expédient serait parfaitement conforme à l’esprit chinois. Ce peuple sait en apparence admirablement se plier à la volonté, aux exigences de l’étranger, mais il a des ressources infinies pour faire tourner à son avantage ce qui semble devoir énormément profiter à ses adversaires. La diplomatie pratique est portée en Chine à un point que les Européens sont encore loin d’avoir pu atteindre.

On est étonné de trouver chez presque tous les négocians cantonais une tendance très marquée aux associations et des idées parfaitement justes, probablement fort anciennes dans leur pays, sur certains principes d’économie politique qui n’ont été admis en Europe qu’à une époque comparativement récente. Un grand nombre de marchands de curiosités, établis dans les passages voisins des factoreries, ont formé une sorte d’assurance mutuelle contre l’incendie. Presque tous les commis, employés, ouvriers, et même les coulis ou hommes de peine, ont une part proportionnelle, toujours très petite, dans les gains de leur patron. On comprend quel puissant mobile doit être l’appât du plus léger profit dans un pays à la fois très pauvre et très peuplé ; car le paupérisme règne en Chine plus encore qu’en Europe, et on applique à ce fléau tous les palliatifs usités parmi nous. Ainsi on compte dans le Céleste Empire un grand nombre de monts-de-piété qui paient au gouvernement une forte patente. Ces monts-de-piété font des avances considérables, mais ils perçoivent 3 pour 100 d’intérêt par mois, en raison des risques auxquels ils sont exposés. Un autre fait qui rappelle notre civilisation, c’est l’usage connu à Canton des promesses de paiement écrites ou billets à