front ; des divinités aimables le précèdent et se jouent parmi les coursiers qui conduisent son triomphe.
Ce qui fait que M. Hallé est plat et ridicule, tandis que Rubens et Prudhon sont admirables, c’est que les uns idéalisent véritablement les êtres surnaturels dans des scènes où les êtres humains prennent eux-mêmes des proportions idéales, tandis que l’autre ne fait que rapprocher dans une sotte action, dont il ne sait montrer que le côté invraisemblable, des êtres humains de l’espèce la plus triste et de piteuses divinités encore plus maussades. Le secret qui manque à Hallé et aux peintres qui lui ressemblent, c’est celui de la force et de l’audace, mais de celle qui sait s’arrêter précisément aux limites au-delà desquelles l’imagination ne vous suit plus et ne reconnaît plus rien.
J’ai sous les yeux une estampe flamande qui fait partie d’une suite des Métamorphoses d’Ovide, composée par des élèves de Rubens. Voici des hommes qui, tout pleins de la manière et des habitudes de style de ce grand maître, sont insipides, parce qu’il leur manque ce faire, cet idéal, ce souffle, dont Rubens est plein. On a représenté dans cette estampe Orphée attirant à lui les bêtes par le son de son archet. Le violon est ici substitué à la lyre consacrée ; mais cet anachronisme ne choquait pas à cette époque. Au son de cet archet et de ce violon, des animaux de toute espèce se sont rassemblés ; mais comment le peintre animera-t-il cette réunion étrange ? Vous fera-t-il voir les oiseaux fendre les airs à tire d’aile pour se percher le plus près possible de l’enchanteur ? Les cerfs timides, étonnés d’être attirés hors de leurs retraites, dresseront-ils l’oreille tout inquiets ? Les panthères se rouleront-elles aux pieds du musicien dans de petites convulsions presque voluptueuses, en suivant du regard le divin archet et les sons qui s’envient ? Tout cela peut se passer dans l’imagination du lecteur sur l’énoncé de ce beau sujet ; mais, à coup sûr, Ovide l’avait vu dans la sienne, et ses vers charmans ne laissent à cet égard que bien peu de choses à inventer à la pensée la plus féconde. Rien de tout cela n’a frappé le Flamand : dans une plaine tout unie, il rassemble une foule paisible d’animaux, comme on les voit dans la basse-cour ou dans une foire de bestiaux ; des moutons, des bœufs, des ânes et jusqu’à des dindons, imités à merveille à la vérité, et chacun dans son allure, se mêlent tranquillement à quelques bêtes sauvages dont la contenance offre la même tranquillité et la même modestie. La biche, le lièvre, y coudoient les lions et les tigres ; tout ce monde semble venu là pour y prendre sa place comme au concert, pendant que le singe se tient auprès du musicien, attentif à lui tourner les feuillets de son livre de musique.
Nous avons vu Prudhon arrivant à la renommée au moment où les forces manquent ordinairement pour la poursuivre. Pendant le temps assez court qui suivit les longues années de son obscurité et de son